#LaVerdadDelCarbon : Action constitutionnelle sur le droit à la participation dans le contexte de l’exploitation minière en Colombie

22/07/2021
Communiqué
en es fr

Les communautés locales de Guajira (Colombie), le CAJAR (Colectivo de Abogados "José Alvear Restrepo"), membre de la FIDH, et ses partenaires ont lancé une action constitutionnelle visant à faire respecter le droit à la participation des communautés affectées par l’exploitation du charbon.

Les faits

Depuis quatre décennies, l’extraction de charbon a des conséquences dramatiques sur les communautés et l’environnement de la péninsule de Guajira, en Colombie, qui abrite la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine. La mine est exploitée par Carbones del Cerrejón, une société basée dans les Antilles britanniques appartenant aux multinationales Anglo American, BHP Billiton et Glencore.

On estime qu’environ la moitié de la population de La Guajira appartient à des groupes ethniques et indigènes comme les Wayuu (le groupe le plus large), les peuples Wiwa, Arhuaco et Kogui, ainsi qu’à des communautés afro-descendantes et paysannes. Ces communautés ont subi de graves violations des droits humains, affectant entre autres leur droit à une vie décente, à l’eau, à la santé, à la sécurité et à la souveraineté alimentaires, à l’information, à la participation et au consentement préalable, libre et éclairé.

En 2016, la Cour constitutionnelle a ordonné la conduite d’une "étude scientifique et sociologique officielle des impacts des activités minières sur les écosystèmes de la Colombie". Pour ce faire, elle a demandé aux autorités de former un groupe de travail intergouvernemental, "qui pourrait impliquer des entités publiques et privées, des centres de recherche et des membres de la société civile." Cependant, les communautés affectées de La Guajira n’ont eu accès à aucun espace garantissant leur participation effective à l’élaboration de l’étude, qui a été publiée en 2020. Le seul moyen dont elles disposaient pour commenter le projet d’étude était un formulaire excel téléchargé sur le site web du Groupe de travail, ce qui n’était ni adéquat ni culturellement approprié étant donné leur accès limité à la technologie. En parallèle, le groupe de travail a sélectionné des personnes présentant des conflits d’intérêts évidents pour mener l’étude, comme les directeurs de la gestion environnementale de Drummond, un autre géant de l’extraction du charbon, et de Carbones del Cerrejón.

En outre, en 2013, la Cour constitutionnelle a ordonné au ministère de l’Environnement et du Développement durable de promouvoir un plan d’action pour construire "une politique nationale intégrale pour optimiser et mettre en oeuvre la prévention et le contrôle de la pollution de l’air et de l’eau causée par l’exploitation et le transport du charbon". Là encore, les communautés affectées par les mines de charbon dans la région de Guajira n’ont bénéficié d’aucun espace d’information et de participation à l’élaboration de la politique, tandis que la participation des entreprises minières a été privilégiée.

L’action intentée

Des membres des communautés ethniques, indigènes, afro et paysannes de La Guajira, ainsi que le CAJAR et la Corporación Geoambiental TERRAE, ont déposé une action de tutela contre les autorités nationales et institutions impliquées dans la réalisation de l’étude et de la politique nationale.

L’action de tutela est un mécanisme constitutionnel qui permet à toute personne de demander la protection judiciaire immédiate de ses droits fondamentaux devant un juge, à tout moment et en tout lieu.

Les plaignants ont soutenu que les droits fondamentaux à la participation et à l’accès à une information véridique et impartiale des communautés affectées de La Guajira ont été violés, tant dans l’élaboration de l’étude sur les impacts de l’exploitation minière par le Groupe de travail que dans le développement de la Politique nationale intégrale. Ces violations menacent les principes de démocratie et de justice environnementale dans une région connue pour une crise d’accès à l’eau et particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique.

Ce que nous avons demandé

Les plaignants ont demandé aux tribunaux constitutionnels d’ordonner aux défendeurs :

• D’ouvrir des espaces significatifs et inclusifs pour la participation des communautés locales, afin que leurs connaissances et expériences puissent être incorporées dans les chapitres spécifiques sur La Guajira dans l’étude et la politique nationale intégrale.
• De veiller tout particulièrement à empêcher l’influence indue de l’entreprise Carbones del Cerrejón dans les processus de décision publique, la production d’informations, la recherche, les études d’impact environnementales, la formulation et la mise en œuvre de politiques publiques de contrôle, de réglementation ou de mesures visant à protéger les droits dans le cadre des impacts de l’exploitation minière à La Guajira.
• D’adopter dorénavant une norme d’impartialité, de rigueur et d’indépendance dans les études officielles et les politiques publiques liées aux impacts de l’extraction du charbon à ciel ouvert.

Les résultats

L’action de tutela a été déposée le 22 juillet 2021 et a ensuite été rejetée en première et deuxième instance, au motif qu’il était "inapproprié" de rendre des décisions à cet égard parce qu’il y avait déjà d’autres décisions judiciaires qui avaient traité des violations dans la Guajira, dans lesquelles "une solution aux problèmes environnementaux générés par l’exploitation minière sur l’ensemble du territoire national est prévue".

Cependant, bien qu’ayant indiqué aux juges que l’action de tutela concernait des plaignants, des faits, des droits fondamentaux et des revendications différents de ceux abordés dans les autres procédures de tutela antérieures, ces arguments n’ont pas été pris en compte. Un autre argument discutable pour le rejet de l’action était que l’ingérence indue de l’entreprise "n’est rien de plus qu’une hypothèse qui n’a pas de preuves qui mènerait à la conviction qu’elle s’est produite". Cet argument n’a pas tenu compte des preuves irréfutables fournies à l’appui de l’action.

Cependant, en avril 2022, après que la Cour a été sollicitée pour le suivi d’un autre arrêt, l’arrêt SU 698 de 2017 qu’elle a rendu sur la rivière Bruno, la Cour a confirmé qu’il existe un risque sérieux de dommages graves ou irréversibles à l’écosystème et aux services liés à l’eau du rivière Bruno. "Cette situation n’est pas sans importance dans une région où il a été prouvé que l’eau est une ressource vitale rare, au point de mettre en danger la vie de sujets bénéficiant d’une protection constitutionnelle spéciale, tels que les enfants et les adolescents Wayúu.

En outre, elle a fait référence à l’arrêt T-302 de 2017, qui a mis en évidence la violation généralisée, déraisonnable et disproportionnée des droits fondamentaux à la santé, à l’eau potable, à l’alimentation et à la sécurité alimentaire. Bien qu’elle n’ait pas fait référence au droit à la participation en tant que tel, la Cour a conclu que des mesures urgentes devaient être prises pour assurer la protection des droits à la santé, à l’accès à l’eau potable et à la sécurité alimentaire des requérants et a demandé à toutes les parties de fournir de nouveaux éléments de preuve.

À cet effet, le bureau du contrôleur (Contraloría General de la República) a publié un nouveau rapport d’audit en février 2023 ratifiant que les autorités environnementales ne respectent pas les décisions protégeant la rivière Bruno et les communautés de La Guajira. Ses conclusions ont notamment révélé des faiblesses et des lacunes dans les garanties et les mécanismes de participation des communautés affectées et des intervenants techniques.

En savoir plus

Communiqué de presse de Cajar : https://www.colectivodeabogados.org/con-tutela-exigimos-derechos-a-la-participacion-y-la-justicia-ambiental-en-estudio-y-politica-publica-sobre-impactos-del-carbon-en-la-guajira/?preview=true

https://www.colectivodeabogados.org/hacemos-una-peticion-a-la-corte-de-respaldar-a-las-comunidades-de-la-guajira-frenando-la-interferencia-de-las-mineras/

https://www.colectivodeabogados.org/la-corte-constitucional-decidio-tomar-cartas-en-el-asunto-del-arroyo-bruno-y-ordeno-nuevas-pruebas/

https://www.colectivodeabogados.org/contraloria-ratifica-que-autoridades-ambientales-no-estan-cumpliendo-sentencias-que-protegen-el-arroyo-bruno-y-comunidades-de-la-guajira/

https://www.contraloria.gov.co/es/w/contralor%C3%ADa-notifica-a-la-corte-constitucional-incumplimiento-de-dos-%C3%B3rdenes-sobre-protecci%C3%B3n-ambiental-del-arroyo-bruno-en-la-guajira

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