La paix remise en cause : l’Accord de paix non appliqué exacerbe la violence dans le pays

14/09/2020
Communiqué
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#SOSColombie

Paris, Bogota, le 14 décembre 2020 : la FIDH, le Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo (CAJAR), et l’Instituto Latinoamericano para una Sociedad y un Derecho Alternativos (ILSA) font part de leur forte préoccupation concernant la vague de violence et de tueries ces dernières semaines en Colombie. L’Accord de paix non appliqué par le gouvernement du président Duque, entre autres, exacerbe la violence dans le pays, et la rend plus visible dans un contexte de pandémie. Ces incidents témoignent des violations multiples des droits humains, dont le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et à la dignité.

Par conséquent, la mise en œuvre des Accords de paix représente une consigne incontournable pour atténuer la vague de violence et garantir la vie et la dignité, notamment des personnes vulnérables, des défenseur·es des droits humains, des personnalités de la société civile, ainsi que des signataires de la paix. Le démantèlement et la déstructuration des groupes paramilitaires font partie des compromis de l’Accord, et jusqu’à présent, les actions du gouvernement se sont avérées médiocres et insuffisantes.

Ces derniers jours, divers massacres ont été perpétrés dans les départements de Nariño, Valle del Cauca, Cauca, Arauca, Antioquia, Norte de Santander et Bolívar, lesquels ont coûté la vie à plus de 40 personnes. Parmi eux : des jeunes, des membres de communautés autochtones et d’ascendance africaine, des femmes et des enfants. Des victimes qui avaient survécu au conflit armé sont au nombre des personnes assassinées lors de ces tueries. Ces évènements tragiques entraînent une revictimisation à laquelle doivent faire face leurs familles et réactivent des situations de violence structurelle. Au cours de l’année 2020, on déplore plus de 40 massacres ayant causé la mort de plus de 180 personnes [1], ce qui représente une augmentation considérable par rapport à 2019, où 36 massacres avaient été dénombrés occasionnant la mort de 133 victimes sur l’ensemble de l’année. [2]

À ces chiffres, il faut ajouter un nombre d’assassinats parmi les personnalités de la société civile et défenseur·es des droits humains qui atteint 205 et 42 pour les signataires des Accords de paix [3] au cours de l’année 2020 et dont la récurrence laisse craindre une recrudescence et aggravation de la violence dans le pays. Cette situation met également en lumière la nécessité d’accompagner et d’assurer un suivi via la surveillance de la mise en œuvre de l’accord en question de la part de la communauté internationale.
Depuis la signature des Accords de paix, 971 personnalités de la société civile ont été assassinées, dont 681 membres d’organisations paysannes (342), autochtones (250), d’ascendance africaine (71), environnementales (6) et communales (79). [4]

Par le biais de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT), il a également été constaté une augmentation des agressions à l’encontre des défenseur·es des droits humains, ainsi qu’une incapacité à surmonter les difficultés structurelles à l’origine de la violence dont ils/elles sont victimes, comme par exemple la stigmatisation permanente, l’impunité et le paramilitarisme. Nous déplorons que la Colombie soit parmi les pays où les défenseur·es de l’environnement sont victimes de menaces et d’intimidation dans l’exercice de leur fonction. DW (juillet 2020), “Cinco países mortíferos para defensores del medio ambiente” https://www.dw.com/es/cinco-pa%C3%ADses-mort%C3%ADferos-para-defensores-del-medio-ambiente/a-54370459

Nous rappelons qu’aucune société démocratique et en paix ne peut se construire sur la base de l’impunité. Nous considérons qu’il est nécessaire qu’elle ne soit pas appliquée, comme dans les cas d’exécutions extrajudiciaires au sein desquels la dynamique d’impunité persiste et pour lesquels les responsables n’ont pas été recherchés et le droit à la vérité, la justice et à réparation ainsi que la garantie de non-répétition des victimes n’ont pas été garantis jusqu’à présent.

Face à ces constats, la FIDH et ses organisations membres exhortent l’État colombien à :

mener sans délai une enquête, indépendante, exhaustive, effective et impartiale relative aux massacres perpétrés ces dernières semaines, garantissant ainsi la lutte contre l’impunité et la recherche de la vérité ;

appliquer les Accords en matière de réforme rurale intégrale, de plans de développement avec une approche territoriale, de garanties pour la participation politique, de préservation de la vie, de la sécurité et de l’intégrité personnelles des personnalités de la société civile, des anciens combattants, des combattants réincorporés et leurs familles, de programmes de substitution volontaire des cultures illicites, et de garanties pour la réintégration sociale, économique et communautaire des anciens combattants ; [5]

mettre fin à tout type de menaces, attentats et actes d’intimidation, et obtenir des garanties solides pour toutes les personnes défendant les droits humains en Colombie.

La FIDH et ses organisations membres invitent l’État colombien à remplir ses obligations visant à protéger le peuple colombien et exhortent la communauté internationale à remplir son rôle en matière de surveillance et d’observation afin de faire la lumière sur les faits survenus récemment et de sanctionner les responsables.

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