La JEP, les victimes et les organisations doivent bénéficier de toutes les garanties pour la recherche de la vérité

Bogotá, Paris, 25 février 2021 - La FIDH et le Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo (CAJAR) se déclarent profondément préoccupés par les attaques récentes et constantes contre les organes qui composent le Système intégral de vérité, justice, réparation et non-répétition (SIVJRNR) en Colombie, notamment celles qui visent la Justice spéciale pour la paix (JEP), qui entravent les droits à la vérité, à la justice, à réparation et aux garanties de non-répétition des victimes d’exécutions extrajudiciaires et de leurs représentants judiciaires.

À l’occasion de l’ordonnance 033 de 2021, la Chambre de reconnaissance de la vérité, de la responsabilité et de l’établissement des faits et des comportements de la JEP a établi, sur la base de ses exercices d’enquête et de comparaison, un registre préliminaire de 6 402 victimes d’exécutions extrajudiciaires en Colombie, commises entre 2002 et 2008, qui sont comprises dans l’affaire 003 en cours auprès de ladite juridiction pour établir la responsabilité des membres de l’armée nationale dans ces événements, connus publiquement sous le nom de « scandale des faux positifs ». Cette décision contribue à la reconnaissance publique et sociale de l’ampleur des atrocités commises dans le cadre du conflit armé et de l’impunité de ses auteurs.

Près de 5 ans après la signature de l’accord de paix de La Havane, la FIDH et le CAJAR reconnaissent les progrès réalisés par le SIVJRNR malgré les différentes attaques dont il a fait l’objet depuis sa création – et qui remettent en question sa pertinence – en provenance notamment de ceux qui craignent que la vérité n’éclate au grand jour, et qui sont impliqués dans de graves violations des droits humains. Il est important de rappeler que le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), dans son dernier rapport du 23 février, et le Bureau du procureur de la Cour pénale internationale ont tous deux reconnu la JEP comme un organe essentiel dans la recherche de la vérité pour les victimes.

Dans ce contexte, la FIDH et le CAJAR s’inquiètent de l’absence de garanties pour les victimes, les représentants et les autres acteurs intervenant devant la JEP ̶ une situation qui constitue un obstacle supplémentaire à leur travail. Nous rejetons les menaces proférées le 22 février à l’encontre de l’avocat du CAJAR, Sebastián Felipe Escobar Uribe, représentant des victimes devant la JEP. Ce dernier a reçu sur son téléphone portable l’appel d’un homme le menaçant, lui et son client, Juan David Díaz Chamorro, fils du maire assassiné de la municipalité d’El Roble, Eudaldo Díaz Salgado, dont le statut de victime a été reconnu cette année par la Chambre des définitions juridiques de la JEP, en réponse à sa demande de recherche de la vérité et de la justice.

À cet égard, la FIDH et le CAJAR considèrent qu’il est important de souligner que des conditions de sécurité et des garanties pour la participation des victimes au SIVJRNR doivent exister, et qu’elles devront être prises en compte par la JEP dans ses interventions.

Nous rappelons que les agressions et le harcèlement permanents des défenseurs des droits, des leaders sociaux et des signataires de l’Accord de paix, sapent l’échafaudage des Accords de paix de La Havane et les avancées en termes de vérité et de justice pour les victimes. Par la même occasion nous demandons que le Bureau du procureur général enquête avec diligence sur ces événements et que l’Unité de protection (UNP) renforce les mesures de protection des victimes, de leurs représentants, dont Sebastián Felipe Escobar Uribe, des autres membres du CAJAR et de la victime Juan Díaz Chamorro.

Enfin, nous exhortons l’État colombien à respecter les Accords de paix et à respecter son obligation de protéger la population colombienne, et nous demandons à la communauté internationale d’exercer un rôle de vigilance et d’observation afin que les récents événements soient éclaircis et que les responsables soient punis. Nous rappelons qu’aucune société démocratique et pacifique ne peut être construite sur la base de l’impunité.

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