La FIDH et ses ligues en Colombie demandent à l’État d’appliquer l’Accord de paix dans son intégralité

10/09/2019
Communiqué
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Les appels à des actions armées et l’annulation des avancées réalisées représentent une sortie hors contexte et dangereuse pour la paix en Colombie et sa région

Paris, Bogota, le 10 septembre 2019 – La FIDH a exprimé sa préoccupation quant à l’annonce faite le 29 août dernier de certains anciens commandants des FARC-EP de reprendre la lutte armée, et la réponse du président de la République Iván Duque Márquez et du parti du gouvernement d’intensifier les opérations militaires et d’annuler ce qui avait été convenu dans l’Accord de paix.

Elle s’inquiète que le recours à un langage belliqueux et l’annonce d’intensifier les combats ont déjà occasionné des morts et des menaces durant les derniers jours, en particulier parmi les défenseurs des droits humains et les dirigeants politiques. On compte au moins six assassinats de candidates ou candidats aux premières élections locales après la signature de l’Accord, ainsi que plusieurs agents de forces de l’ordre morts au combat. À cela se rajoute l’assassinat de plus de 700 dirigeantes ou dirigeants sociaux depuis la signature de l’Accord.

La FIDH exhorte l’État colombien, avec la supervision des pays et institutions garants, à respecter dans son intégralité l’Accord final de paix, comme garantie de non répétition et marque de confiance pour les anciens combattants et toutes les organisations et personnes de la société civile qui gardent l’espoir de vivre dans un pays en paix.

D’autre part, la FIDH exhorte le président Iván Márquez et les anciens combattants qui l’accompagnent à abandonner sa décision de reprendre les armes. Cette décision et les appels du gouvernement de retour à la guerre ne fera qu’engendrer de nouvelles victimes et aggravera la vulnérabilité des régions les plus affectées par la violence ; avec des conséquences disproportionnées pour les femmes, les communautés autochtones, les personnes d’ascendance africaine et les jeunes, qui, sans autre alternative, se verront forcés de retourner au combat.

Rappelons-nous que près de 90 % des anciens combattants ont manifesté leur intérêt de se soumettre à la JEP (Jurisdicción Especial para la Paz : Juridiction spéciale pour la paix) et à participer activement au respect des droits des victimes. Malgré cela, le processus reste fragile, car l’État ne garantit pas les conditions de base (santé, infrastructure, alimentation) de séjour et de réintégration dans les Espaces territoriaux de capacitation et réintégration (Espacios Territoriales de Capacitación y Reincorporación : ETCR), ni même la vie des anciens combattants, étant donné qu’à ce jour, on compte plus de 140 homicides sur ces derniers et 35 sur des membres de leur famille.

Le trafic de drogue représente l’un des facteurs majeurs qui alimente le conflit dans ces territoires, et en particulier dans les régions comme Catatumbo, le nord du Cauca, le Bajo Cauca et Nariño, et où la présence de cartels mexicains finançant des groupes illégaux très actifs est évidente, malgré la forte présence des forces de l’ordre.

Le point 4 de l’Accord de paix fait état des outils les plus utiles pour venir définitivement à bout du problème de drogue ; par exemple les programmes de substitution volontaire avec les communautés (PNIS : Programa Nacional Integral de Sustitución), et les plans intégrés de substitution et de développement alternatif (PISDAS : Planes Integrales de Sustitución y Desarrollo Alternativo) ; mais également l’accent mis sur la santé publique qui est relatif à la consommation de drogue, et le dialogue entre les pays consommateurs et les pays producteurs pour les poursuites transnationales des personnes impliquées dans le trafic de drogue et le blanchiment d’argent.

À ce jour, 99 097 familles participent au programme de substitution des cultures illicites et 30 000 autres devraient bientôt signer des accords individuels. Le respect des promesses de l’État vis-à-vis de ces familles contribuera de manière significative à rompre les liens de ces communautés avec ces économies illicites. Cela doit être accompagné de mesures de protection totale pour les dirigeantes et dirigeants qui font la promotion des PNIS sur leurs territoires, lesquels ont été les principales victimes d’homicide.

L’État colombien doit continuer à essayer de sortir du conflit armé par la négociation et de chercher à construire une paix durable. Il doit également favoriser des politiques de traduction en justice des groupes illicites qui respectent les droits des victimes. Il exhorte la Commission Nationale des Garanties de Sécurité (Comisión Nacional de Garantías de seguridad) d’avancer sur la mise en œuvre de la politique publique de démantèlement du paramilitarisme et de souscrire des accords humanitaires pour la protection des civils dans les territoires concernés.

Nous appelons la communauté internationale à insister sur le respect total de toutes les promesses convenues dans l’Accord final de paix vis-à-vis de l’État colombien, en particulier à l’égard des pays et institutions garants.

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