Colombie : les peuples autochtones de la Sierra Nevada font entendre leur voix devant la Juridiction spéciale pour la paix

05/05/2025
Déclaration
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FIDH

Les peuples autochtones Wiwa, Arhuaco, Kogui, Kankuamo, Ette Ennaka, Wayúu, ainsi que la communauté noire afro-colombienne des Caraïbes ont témoigné lors des premières audiences du sous-dossier Sierra Nevada de Santa Marta, rattaché au macro-dossier 09.

Bogota, 5 mai 2025. La Juridiction spéciale pour la paix (Jep) achève les premières audiences de dépositions volontaires dans le cadre du sous-dossier Sierra Nevada de Santa Marta et des communes de la Serranía del Perijá, relevant du macro-dossier 09. Il s’agit du premier dossier de la JEP enquêtant sur des crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis par les anciennes Farc-EP et par des membres des forces de l’ordre durant le conflit armé, à l’encontre des peuples autochtones et des communautés afrodescendantes en Colombie.

Dans un contexte de violence extrême, les peuples autochtones et les communautés afrodescendantes ont été victimes de graves crimes internationaux imputables à l’ensemble des acteur·ices impliqué·es dans le conflit armé interne. Ils ont été affectés de manière disproportionnée, au point d’être exposés à un risque d’extermination physique et culturelle.

Lors des audiences, 11 anciens commandants du Bloc Caraïbe à l’époque des Farc-EP ont comparu devant la Chambre de reconnaissance de vérité de la Jep pour livrer leur version des faits face à 101 victimes, parmi lesquelles les autorités des peuples autochtones Wiwa, Arhuaco, Kogui, Kankuamo, Ette Ennaka et Wayúu, ainsi que la communauté noire afro-colombienne des Caraïbes. Outre la réalisation d’espaces d’harmonisation et de guérison spirituelle organisés par les autorités traditionnelles, ces dernières ainsi que les victimes ont pu intervenir et exiger des informations sur les crimes dont elles ont été victimes et sur leurs principaux responsables. Elles ont également dénoncé les effets disproportionnés qui ont mis en péril leur existence en tant que peuples et communautés ethniques. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) représente le peuple Wiwa de la Sierra Nevada de Santa Marta dans ce cas, devant la Jep.

Les témoignages recueillis par la Jep lors de ces audiences, ainsi que les informations transmises via des rapports réalisés par les victimes, les organisations ethniques et de défense des droits humains, doivent permettre à cette juridiction de déterminer les principales exactions commises par les anciennes Farc-EP à l’encontre des peuples autochtones et des communautés afrodescendantes vivant dans les territoires ethniques prioritaires dans cette affaire. Il s’agit aussi de mettre en lumière les politiques et schémas criminels qui ont encadré leur action et d’établir les responsabilités des principaux·les auteur·es. La Jep doit avancer dans la même direction concernant les crimes attribués aux membres des forces de l’ordre ayant agi contre les populations autochtones et afrodescendantes, avec le soutien des groupes paramilitaires.

Parmi les crimes les plus graves, la JEP enquête sur les homicides, les disparitions forcées, les déplacements forcés, les violences sexuelles, l’utilisation de mines antipersonnel, la profanation de lieux sacrés. Dans sa décision rendue à l’ouverture de l’affaire, la Jep a recensé 89 994 victimes de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre sur les territoires de la Sierra Nevada de Santa Marta et de la Serranía del Perijá.

Les dépositions volontaires livrées par les ex-commandants des Farc-EP seront examinées par la Jep, en parallèle des informations recueillies lors d’une nouvelle audience qui débute le 5 mai 2025. Les autorités ethniques et les victimes présenteront également leurs observations lors de ces audiences pour faire progresser le processus de confrontation des déclarations, des clarifications des faits et d’identification des principaux·les responsables. Par la suite, la Jep devra rendre une ordonnance de détermination des faits et des comportements, dans laquelle elle établira la responsabilité des anciennes Farc-EP pour les crimes commis à l’encontre des peuples autochtones et des communautés afrodescendantes.

La JEP devra suivre ce même processus avec les membres des forces de l’ordre ayant commis de graves crimes à l’encontre des peuples autochtones et des communautés afrodescendantes qui vivent dans ces territoires. Une grande partie de ces actes ont été commis avec la complicité des groupes paramilitaires. L’objectif final est d’établir la vérité sur ce qui s’est réellement passé avec ces populations ethniques dans le cadre du conflit armé, et de prononcer des sanctions restauratrices, voire des peines privatives de liberté à l’encontre des principaux·les responsables, tous groupes armés confondus.

La FIDH assiste les groupes ethniques qui luttent pour la justice, la vérité, la réparation et la garantie de non-répétition. Par ailleurs, elle réaffirme son engagement à défendre la dignité, la mémoire et la restauration des peuples et de leurs territoires. Elle attend également que les sanctions que prononcera la Jep soient en adéquation avec les préjudices et les impacts disproportionnés subis par les peuples autochtones et communautés afrodescendantes.

La générosité et le soutien des victimes ont été les piliers fondamentaux qui ont rendu possible l’instauration du modèle de justice transitionnelle restauratrice mis en œuvre par la Jep. Celles-ci espèrent que les décisions judiciaires rétabliront concrètement leurs droits et ne laisseront pas les crimes commis à leur encontre impunis, ni leurs responsables échapper à la justice, comme ce fut le cas pendant tant d’années.

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