Colombie : les crimes contre l’humanité visant les autochtones de la Sierra Nevada doivent être punis

25/10/2021
Rapport
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(Paris, Bogota) 25 octobre 2021 - Un rapport de la FIDH et du Collectif d’avocats José Alvear Restrepo (Cajar) met en lumière la réalité des crimes commis contre les populations autochtones de la Sierra Nevada en Colombie. Ceux-ci peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité.

Des crimes contre l’humanité ont été commis contre les peuples autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta

La FIDH et le Collectif d’avocats José Alvear Restrepo (Cajar) ont présenté le rapport "La blessure au cœur du monde : Crimes contre l’humanité commis contre les peuples indigènes de la Sierra Nevada de Santa Marta, Colombie". Ils demandent au Bureau du Procureur de la CPI de donner la priorité aux cas où les victimes appartiennent à des groupes autochtones et appellent la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) à ouvrir un macro-cas qui examinerait les massacres contre les populations autochtones et le rôle des forces de sécurité colombiennes dans ces massacres.

180 membres de groupes autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie ont été victimes de crimes contre l’humanité commis entre 2002 et 2009 par l’armée colombienne et des groupes paramilitaires.
Ces crimes systématiques contre la population civile de la Sierra Nevada mettent gravement en danger la survie physique et spirituelle des peuples indigènes Wiwa, Kankuamo, Arhuaco et Kogui.

Le rapport identifie l’existence de deux schémas. Certains meurtres ont été commis par des membres de l’armée contre les autochtones, qu’ils ont ensuite faits passer pour des guerilleros tentant de justifier ainsi ces éliminations arbitraires. Ce phénomène est plus connu sous le nom de "faux positifs", un "positif" étant le vocable militaire pour évoquer une cible atteinte.
D’autres meurtres ont été commis directement par des groupes paramilitaires, avec le soutien, la tolérance ou l’assentiment de l’État. Ces faits impliquent la ligne de commandement de la Deuxième Brigade, de la Dixième Brigade et de la Première Division de l’Armée nationale colombienne.

La responsabilité de l’armée colombienne et des groupes paramilitaires dans ces crimes racistes ne peut pas rester impunie
Ces crimes, visant directement des membres des communautés autochtones, ont indéniablement une dimension raciste et stigmatisante. Sur les 180 meurtres, 46 correspondent à des "faux positifs" exécutés par des militaires et 134 à des meurtres commis par des paramilitaires. Ces 134 meurtres sont restés pour la plupart impunis en raison de l’extradition des chefs paramilitaires responsables, de leur non-coopération avec les tribunaux Justice et Paix et de l’absence d’enquête fouillée sur les véritables responsables de ces crimes.
Le JEP a poursuivi l’enquête sur certains meurtres d’autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta directement imputables à des agents de l’État. Toutefois il n’y a eu à ce jour aucune poursuite ni condamnation incriminant les hauts responsables des forces armées colombiennes responsables, par action ou par omission, de ces crimes.

La fin de l’impunité et l’accès à la vérité sur les crimes contre l’humanité décrits dans ce rapport sont essentiels pour éviter la réitération de ce type de crime. La situation actuelle dans la Sierra Nevada continue malheureusement de présenter de graves risques pour la survie de ses populations autochtones.

Des communautés menacées et anéanties par des groupes armés violents dans toute la région.

Aujourd’hui, une reconfiguration des forces est en cours dans la région. Elle se trouve désormais aux mains des groupes armés qui contrôlent les principales activités licites et illicites de la Sierra et qui cherchent à agrandir leur territoire. Certains entretiennent par ailleurs des liens avec d’anciens groupes paramilitaires. Cette reconfiguration a entraîné la destruction de biens culturels, l’assassinat de leaders autochtones, le contrôle des déplacements de la population, le recrutement forcé d’enfants et d’adolescents, ainsi que des transferts forcés de population. A noter qu’en 2020, 47 leaders autochtones ont été assassinés, s’ajoutant aux 262 meurtres du même type intervenus depuis la signature des accords de paix.
Les experts de la FIDH ont rédigé ce rapport dans le cadre d’une mission d’enquête menée sur place, au cours de laquelle ils ont organisé des ateliers de documentation, ont collecté des documents fournis par les groupes indigènes ainsi que les documents relatifs aux litiges collectifs en cours sur ces crimes.

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