Milena Quiroz Jiménez est la porte-parole de la Comisión de Interlocución del Sur de Bolívar, Centro y Sur del Cesar (CISBCSC), la représentante légale de la Cooperativa Multiactiva de Arenal (Comuarenal) et du Conseil communautaire des communautés noires « Resistencia Cimarrona Ca-simira Olave Arincon Amela ». Elle est également membre de la Fundación Rescate Cultural (Furec) et fait partie de la station de radio communautaire La Negrita de Arenal dans la ville d’Arenal, département de Bolívar.
Le mandat d’arrêt contre la leader Milena Quiroz Jiménez a été émis en 2017 par le 3e bureau du procureur du circuit spécialisé de la ville de Carthagène. Ce bureau du procureur l’accuse des délits de « rébellion » et de « conspiration en vue de commettre un crime ». Quand Milena Quiroz Jiménez a été mise en liberté provisoire, avec d’autres défenseur·es détenu·es, le premier juge pénal du circuit de Carthagène, Freddy Machado, a indiqué que les accusations n’étaient pas étayées de preuves suffisantes et a remis en question l’action du bureau du procureur, soulignant qu’il s’était hâté « à générer un résultat publicitaire et médiatique plutôt que de structurer un acte d’accusation plus raisonnable ». [Juzgado Primero Penal del Circuito con Funciones de Control de Conocimiento de Cartagena, 7 novembre 2017, inscrit au n°13001-60-01129-2015-03910-00, transcription non officielle.]]
Milena Quiroz Jiménez et 11 autres leaders et habitant·es de Sur de Bolívar ont subi des représailles pour leur action militante et de défense des droits humains : détentions arbitraires, soumission à un long processus de criminalisation truffé d’irrégularités, retards injustifiés, absence de preuves et non-respect des garanties à un procès régulier.
Une juge de contrôle des garanties de Carthagène a statué que Milena Quiroz Jiménez ne pouvait pas rester dans sa région, ce qui l’a obligée à s’installer en dehors du sud de Bolivar. Le juge a fait valoir que, dans le cas contraire, Milena Quiroz Jiménez continuerait à avoir de l’influence dans sa municipalité, pourrait appeler à des manifestations et être « un danger pour la société ». Pour cette raison, la leader a été assignée à résidence, loin de sa famille et de son territoire, ce qui l’a empêchée de continuer à défendre les droits humains de sa communauté.
D’autre part, ses audiences ont été reportées à plus de dix reprises ; le bureau du procureur a tenté de la stigmatiser, en l’associant à des groupes de guérilla, ce qui augmente le risque qu’elle se fasse agresser ; et ses avocat·es ont été empêché·es d’accéder aux preuves et d’interroger les témoins présumé·es à charge, avec pour effet d’affaiblir son droit à la défense.
La défense de Milena Quiroz Jiménez n’a cessé de dénoncer ces irrégularités, et une enquête pénale et disciplinaire est en cours contre la Procureure à l’origine de sa criminalisation. Cependant, depuis le 28 mai 2020, soit plus de deux ans, il est attendu que le juge d’instruction se prononce sur le rejet ou non de la découverte probatoire de la Procureure et de la dissimulation des témoins, sans que cela ait été possible à ce jour, le plus souvent pour des raisons imputables au Parquet et à la juridiction d’instruction.
Nous espérons que la prochaine audience du 12 septembre 2022 - initialement programmée le 1er août 2022 - permettra de connaître cette décision, qui mettra en évidence l’illégalité des preuves destinées à être utilisées à l’encontre de Milena Quiroz Jiménez, et de garantir que les droits de la leader sociale et défenseure des droits humains et des autres accusé·es.
La poursuite du processus de criminalisation augmenterait encore la stigmatisation de la défenseure et les risques de nouvelles attaques contre Milena Quiroz Jiménez, comme l’illustrent la tentative d’assassinat dont elle a été victime en décembre 2019, alors qu’elle bénéficiait de mesures de protection de l’Unité nationale de protection (UNP), et le triste meurtre deTeófilo Manuel Acuña, le 1er mars 2022, criminalisé en même temps que Milena Quiroz Jiménez.
Le cas de Milena Quiroz Jiménez s’inscrit dans un contexte plus large de persécution et de violence contre les défenseur·es des droits humains en Colombie. D’après Front Line Defenders, en 2021, 138 leaders sociaux et défenseur·es des droits humains ont été tué·es, faisant de la Colombie le pays le plus meurtrier au monde pour les personnes exerçant leur droit à défendre les droits humains. Les femmes défenseures et leaders vivent dans une situation de risque aggravé, et ces dernières années, il a été constaté une augmentation des meurtres, des tortures, des violences sexuelles et des menaces à l’encontre des leaders communautaires et des défenseur·es. [1]
Compte tenu de ce qui précède, les organisations signataires appellent :
– les autorités judiciaires colombiennes à examiner en profondeur et à considérer les irrégularités signalées dans la procédure contre Milena Quiroz Jiménez et, par conséquent, d’arrêter le processus de criminalisation à l’encontre de la défenseure ;
– au gouvernement colombien d’assurer toutes les conditions nécessaires au travail des défenseur·es des droits humains, en garantissant leur intégrité physique et en veillant à ce qu’elles·ils ne soient pas stigmatisé·es et criminalisé·s en raison de leurs actions ;
– les médiaux nationaux et internationaux à assister à l’audience en tant que témoins du processus arbitraire auquel Milena Quiroz Jiménez est confrontée pour avoir défendu les droits humains ;
– la communauté internationale, les délégations diplomatiques et les ambassades en Colombie à suivre ce processus et se prononcer pour la fin de la criminalisation, de la violence et de la persécution de Milena Quiroz Jiménez et des personnes qui défendent les droits humains dans le pays.
Contacts pour plus d’information et organiser des interviews :
– Julia Lima, Front Line Defenders, coordinatrice de la protection pour l’Amérique du Sud : jlima@frontlinedefenders.org
– Marc Montany Daufí, OMCT : mam@omct.org
– Angelita Baeyens, Robert F. Kennedy Human Rights : baeyens@rfkhumanrights.org
– Javier Urízar, point focal pour l’Amérique latine et chargé du programme juridique, ISHR : j.urizar@ishr.ch