L’extension du code pénal colombien laisse la porte ouverte à l’impunité

07/11/2014
Communiqué
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Communiqué commun.

Paris, Bogota, le 7 novembre 2014 – À l’occasion de la visite en France, ce jour, du président colombien Juan Manuel Santos, la FIDH et ses organisations colombiennes — le Collectif des avocats José Alvear Restrepo (CCAJAR), l’Institut latino-américain pour une société et un droit alternatifs (ILSA) et le Comité permanent pour la défense des droits de l’homme (CPDH) — ont rappelé au gouvernement qu’il est primordial de ne pas encourager les initiatives législatives visant à accroître les prérogatives de la juridiction pénale militaire en matière de poursuites pour violations des droits humains et infractions au droit humanitaire.

« Ces réformes, qui constituent une régression inquiétante pour la démocratie colombienne, pour la justice et pour les droits des victimes, laissent la porte ouverte à l’impunité et lui permettent de s’installer » , a signalé Karim Lahidji, président de la FIDH.

Trois projets de réforme vont particulièrement dans ce sens : le projet d’acte législatif 085 de 2013 (Sénat)/210 de 2014 (Chambre) ; le projet d’acte législatif 022 de 2014 (Sénat) ; et le projet de loi 129 de 2014 (Sénat). Bien que récemment modifié, le premier de ces actes législatifs prévoyait une extension de la compétence de la juridiction pénale militaire en matière de violations du droit humanitaire international et de crimes contre la population civile.

Le projet d’acte législatif 022 de 2014 (Sénat), qui conserve plusieurs éléments de l’acte législatif 02 de 2012 — ce dernier ayant été déclaré inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle du fait de plusieurs vices de forme —, envisageait lui aussi une extension de la compétence de la juridiction pénale militaire en matière de violations du droit international humanitaire. Un amendement constitutionnel énumérant les crimes sur lesquels les juges de la Cour pénale militaire ne peuvent pas statuer permet tacitement d’inclure dans leurs prérogatives une douzaine d’autres actes portant atteinte aux droits de l’homme dont la détention arbitraire, les traitements inhumains et dégradants, l’empoisonnement de l’eau potable, l’enlèvement de personnes ou encore l’interception illégale de communications. Ce projet de réforme constitutionnelle a été adopté le 1er octobre 2014 et approuvé au cours du second débat en séance plénière du Sénat le mercredi 29 octobre 2014.

Par ailleurs, le Projet de loi 129 de 2014 (Chambre), sous couvert d’harmoniser l’application du droit international humanitaire et les lois intérieures de la Colombie, dénature le droit international humanitaire et le rend contraire au principe de la protection civile, ce qui pourrait permettre aux forces de l’ordre ayant commis des infractions au cours des hostilités de jouir de l’impunité. Ce projet a été adopté le 1er octobre 2014 lors de la première commission de la Chambre des représentants.

Dans l’ensemble, ces projets sont contraires aux normes internationales qui établissent le caractère restrictif et exceptionnel des tribunaux pénaux militaires, leur incompétence en matière de violations des droits humains et d’infractions au droit international humanitaire, et le droit des victimes à être entendues par un tribunal indépendant et impartial.

« Dans le contexte actuel de négociations de paix en Colombie, de telles initiatives sont contreproductives ; il ne saurait y avoir de paix si justice n’est pas rendue aux victimes de violations graves et de crimes contre l’humanité » , ont souligné les représentants des organisations signataires. « La paix et l’impunité ne sont pas compatibles » , ont-ils ajouté.

La FIDH a dénoncé à plusieurs reprises les exécutions extrajudiciaires perpétrées par les militaires qui sont le résultat de « faux positifs ». Ces violations constituent des crimes contre l’humanité selon le statut de Rome de la Cour pénale internationale. La FIDH rappelle également que les auteurs de ces crimes contre l’humanité doivent se soumettre à la justice.

La FIDH et les organisations signataires appellent les plus hautes instances du gouvernement colombien à réviser et interrompre la progression de ces propositions de loi qui font fi des engagements de la Colombie à travers les différents instruments, traités et résolutions du système interaméricain des droits de l’homme.

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