Paris, Temucuicui, 19 novembre 2018 - Camilo Catrillanca, âgé de 24 ans, membre de la communauté Mapuche a été assassiné lors d’un incident impliquant le Comando Jungla, une force de police créée par le président Piñera pour réprimer l’insurrection dans la région de l’Araucanie « dans le but de combattre efficacement le terrorisme ».
Le 14 novembre 2018, un groupe du Comando Jungla est entré dans la communauté de Temucuicui à la recherche de voitures supposées volées, en tirant sur ses membres, notamment sur Camilo Catrillanca alors qu’il était au volant de son tracteur. Ce dernier a reçu en pleine la tête un impact de balle tirée dans son dos.
D’après la version de l’adolescent de 15 ans, membre de cette communauté, passager du tracteur avec la victime, qui a assisté à la scène, les policiers ont tiré de nombreux coups de feu, dont un a touché le tracteur, puis un deuxième la tête de Camilo Catrillanca. L’accident fut filmé par les effectifs de police puis, comme l’ont reconnu les forces de l’ordre du Chili, effacé par ces derniers, ce qui constitue un délit d’entrave à l’exercice de la justice. À la suite de l’accident, l’adolescent fut arrêté et torturé par les forces de police, ce qui a conduit l’Institut national des droits humains à déposer une plainte pour les faits en question.
En juin 2018 le président Piñera a engagé une militarisation de facto de la région de l’Araucanie en installant un « Comando Jungla » composé de gendarmes formés en Colombie. Équipés de matériels de guerre (tanks, drones, uniformes spéciaux pour se déplacer dans les forêts, entre autres), ils sont chargés de lutter contre les mouvements de protestation du peuple Mapuche que le gouvernement a qualifié de terrorisme.
Parallèlement le gouvernement a annoncé en septembre dernier un « Accord national pour le développement et la paix dans la région de l’Araucanie » destiné à favoriser la reconnaissance des droits, le développement économique de cette région densément peuplée de Mapuche, et l’ouverture d’un dialogue.
La FIDH et l’Observatorio Ciudadano, organisation membre de la FIDH au Chili, condamnent énergiquement les agissements de la police qui, conformément à tous les éléments de preuve, ont engendré le meurtre de Camilo Catrillanca. Ils demandent le démantèlement immédiat du Comando Jungla.
La FIDH et l’Observatorio Ciudadano considèrent que les événements du 14 novembre sont une preuve de plus du traitement discriminatoire que fait subir l’État chilien au peuple Mapuche. Les gendarmes justifient les événements en invoquant le vol supposé de véhicules par les membres de la communauté. Mais l’opération militaire qui s’est déployée était une mesure totalement disproportionnée pour une infraction de droit commun de ce type. En effet on a évoqué des dizaines d’hommes en uniforme entrant dans la communauté, l’usage de plusieurs hélicoptères et des tirs en rafales. De plus, il convient de souligner que l’année 2018 a été marquée par une série de montages policiers réalisés en vue d’inculper des dirigeants mapuches, comme dans le cas de l’Opération Ouragan. La FIDH et l’Observatorio Ciudadano rappellent également que l’État chilien a été condamné en 2014 par le Cour interaméricaine des droits de l’homme pour discrimination raciale envers des chefs mapuches poursuivis et condamnés en vertu de la loi antiterroriste.
Camilo Catrillanca, âgé de 24 ans, était le petit fils du chef (« lonko ») Juan Catrillanca et le fils du président de la communauté Mapuche « Ignacio Queipul Millanao », Marcelo Catrillanca. Il était également étudiant militant et avait été à la tête de plusieurs mobilisations pour la défense des droits du peuple Mapuche dans la région. La FIDH et l’Observatorio Ciudadano exhortent les autorités à mener une enquête impartiale qui permette d’identifier les responsables et d’imposer des peines en accord avec la gravité des faits. Ils appellent également les autorités à mettre en œuvre une politique cohérente envers le peuple Mapuche visant à assurer des conditions de confiance nécessaires à l’instauration du dialogue et de la paix qu’elles se sont engagées à promouvoir, et à progresser dans la reconnaissance et la protection efficaces des droits de cette communauté et d’autres peuples indigènes au Chili conformément aux normes internationales en vigueur dans ce domaine.