Les élections présidentielles se déroulent dans un contexte complexe de polarisation où la population chilienne est de plus en plus divisée autour de thématiques centrées sur les droits humains, comme les droits économiques, sociaux, culturels et environnementaux, ainsi que les droits des populations indigènes, les droits des migrants et les droits liés à la diversité sexuelle. Par ailleurs, le soulèvement social d’octobre 2019, au cours duquel des milliers de Chiliens se sont mobilisés pour une société plus juste, a conduit à un accord entre le gouvernement et l’opposition prévoyant la tenue d’un référendum sur la rédaction d’une nouvelle constitution par une assemblée constituante, approuvée par 79 % des électeurs. Nous nous réjouissons que cette assemblée, qui soumettra sa proposition de texte constitutionnel à un référendum en 2022, a été élue démocratiquement par les citoyens, qu’elle respecte la parité entre hommes et femmes et qu’elle soit constituée par des représentants des peuples indigènes et des différentes communautés qui composent la société chilienne.
Ainsi, il nous paraît essentiel que le prochain chef du gouvernement s’engage à respecter, accompagner et soutenir le processus constitutionnel tout au long de sa mission. De même, il est fondamental que, en temps de polarisation extrême de la société, comme cela est le cas depuis le soulèvement social au cours duquell’État s’est rendu responsable de graves violations des droits humains (ES), le président donne des garanties quant au respect par l’État de ses obligations en matière de droits humains conformément aux traités internationaux.
La région de l’Araucanie et les régions limitrophes, territoires traditionnels du peuple mapuche, ont été particulièrement visées par des mesures restrictives. En effet, en déclarant l’état d’urgence et la militarisation de la zone, l’État, loin d’améliorer la cohabitation déjà difficile entre les différentes communautés, n’a fait qu’encourager les affrontements et intensifier le climat de violence, menant à une situation dangereuse. Nos organisations appellent le gouvernement prochainement élu à retirer les forces militaires déployées et à ne plus poursuivre les membres de la communauté mapuche, et elles lui demandent au contraire d’inviter les représentants et organisations du peuple mapuche à entamer un processus de dialogue. Un des thèmes abordés par l’assemblée constituante porte d’ailleurs sur la reconnaissance des droits des peuples indigènes et la place qui doit être la leur dans la nouvelle société chilienne.
Rappelons que la stratégie du gouvernement consistant à ériger en infraction les actes de protestation du peuple mapuche est considérée par différents organes internationaux comme étant contraire aux traités internationaux portant sur les droits humains et ratifiés par le Chili. Nos organisations ont par exemple travaillé sur l’affaire Norín Catrimán et autres (ES), à l’issue de laquelle l’État chilien a été condamné par la Cour interaméricaine des droits de l’Homme pour avoir violé le principe de légalité et le principe d’égalité et de non-discrimination.
La FIDH et l’Observatorio Ciudadano exhortent le président prochainement élu, quelle que soit son orientation politique, à soutenir pleinement le processus constituant en cours, et à travailler à mettre un terme au contexte de violence et de polarisation que connaît le pays, en particulier en Araucanie et dans les régions limitrophes, par la voie du dialogue et de réformes démocratiques garantissant l’ensemble des droits humains aux différentes communautés chiliennes.