Adhésion du Brésil à l’OCDE : une feuille de route pour inciter le pays à protéger l’environnement et les droits humains

Mauro Pimentel / AFP

Paris, São Paulo, le 9 juin 2022. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié aujourd’hui des feuilles de route en vue de l’adhésion du Brésil et de cinq autres pays à l’Organisation. Cette dernière établit un schéma directeur exigeant en matière de protection de l’environnement, des défenseur·es des droits humains et des peuples autochtones. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ses membres au Brésil, Justiça Global et Movimento Nacional de Direitos Humanos, et les organisations OECD Watch et Conectas, se félicitent de cette feuille de route qui, si elle est mise en œuvre, permettrait de pousser le Brésil à améliorer sa politique en matière d’environnement et de droits humains.

La très attendue feuille de route fixe les cibles et les objectifs que le Brésil devrait atteindre pour devenir membre de l’OCDE.

Le pays doit démontrer non seulement qu’il adhère aux normes de l’OCDE, mais aussi que ses pratiques gouvernementales et celles de ses entreprises s’y conforment sur les questions clés qui préoccupent la société civile. Bien qu’il ne s’agisse que du début d’un long processus d’adhésion, cette feuille de route est incontestablement un pas dans la bonne direction. Elle encourage en effet les comités de l’OCDE, les États membres et le Brésil à placer la protection de l’environnement et le respect des droits humains au cœur du processus. Grâce à son approche, davantage basée sur des principes clairs que les précédentes feuilles de route, les pays candidats à l’adhésion pourrait être encouragés à améliorer concrètement leurs politiques et pratiques.

En l’état actuel des choses, le Brésil présente des lacunes majeures en matière de gouvernance, loin des standards de l’OCDE. Respect de l’état de droit, droits humains, environnement : le pays doit encore prouver son sérieux sur ces questions.

Comme nos recherches l’ont récemment montré, le Brésil doit procéder à des changements importants pour garantir la protection de l’environnement et des droits humains. Si le Brésil a adhéré à 103 des 251 instruments normatifs de l’OCDE, les principes et les normes de ces instruments doivent maintenant être mis en œuvre par le gouvernement brésilien. 

Certaines exigences de la feuille de route d’adhésion à l’OCDE font écho aux préoccupations de la société civile.

 Garantir des stratégies efficaces et ambitieuses en matière d’environnement et de climat, démontrant une mise en œuvre effective et n’autorisant aucun retour en arrière en termes d’ambitions. Cela implique d’investir dans la résilience et l’adaptation au climat dans le cadre du programme de développement national. Le gouvernement brésilien n’a pas démontré son engagement en faveur du programme climatique. Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, les émissions nettes de gaz à effet de serre du pays ont augmenté de 12 %. Plus alarmant encore, depuis la promulgation de sa loi sur le climat (loi n° 12.187/2009), le Brésil a augmenté ses émissions de plus d’un quart.

 Adopter des politiques visant à arrêter et inverser la perte de biodiversité, la déforestation et la dégradation des sols, en mettant l’accent sur le respect et l’application des droits des peuples autochtones et des communautés quilombola. En 2019 et 2020, les taux de déforestation au Brésil ont atteint les sommets de la décennie. Par rapport à 2018-2019, les taux de déforestation au sein des zones protégées ont augmenté de plus de 40 % en 2019-2020. En outre, environ 94 % de la déforestation au cours des deux dernières années était illégale. Les feux de forêt ont également augmenté en Amazonie. Rien qu’en 2020, plus de 30 % du Pantanal brésilien a brûlé, entraînant une immense perte de biodiversité. 

 Garantir l’application effective des lois environnementales en renforçant les capacités des agences concernées et en assurant la participation de la société civile. L’application de la législation environnementale au Brésil présente depuis longtemps des lacunes. D’importants organismes de protection de l’environnement ont connu des pénuries de ressources, des limitations de compétences et des changements arbitraires au sein de leurs conseils d’administration, ce qui a nui à leur indépendance et à leur efficacité. 

 Lutter contre l’impunité des crimes contre l’environnement et veiller à ce que les violences et les menaces contre les défenseur·es de l’environnement fassent l’objet d’enquêtes et de poursuites rigoureuses. Le Brésil est l’un des pays les plus meurtriers au monde pour les défenseur·es de la Terre et de l’environnement. En 2020, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseur·es des droits humains a indiqué que 174 défenseur·es avaient été tué.es au Brésil entre 2015 et 2019. En outre, la récente loi antiterroriste et la loi sur la sécurité nationale ont été continuellement utilisées par le gouvernement fédéral pour persécuter politiquement les défenseur·es des droits humains, en les considérant comme des opposant·es. 

 Mettre en œuvre une exigence pour les évaluations environnementales avec des mesures de transparence et de participation significative, précoce et continue des communautés vulnérables, autochtones et locales. Au Brésil, les droits des peuples autochtones ont été menacés par la suppression de centaines de conseils sociaux et de commissions collégiales qui avaient permis la participation populaire. Au moins trois de ces conseils ou commissions liés aux peuples autochtones ont été fermé·es par le gouvernement de Jair Bolsonaro. De même, des représentant·es autochtones ont perdu leur siège au Conseil national de l’environnement.

 Démontrer la preuve d’un engagement et de mesures efficaces pour promouvoir une conduite responsable des entreprises, notamment en ce qui concerne le respect des droits des peuples autochtones.

La balle est maintenant dans le camp des comités de l’OCDE.

Plus de 20 comités de l’OCDE devraient participer à l’examen technique et à la formulation d’un avis officiel à l’intention du Conseil de l’OCDE, l’organe décisionnel suprême de l’organisation, sur l’aptitude du Brésil à rejoindre l’OCDE. Leur analyse devrait viser à maintenir les normes les plus élevées de protection des droits humains et environnementaux, et pousser le Brésil à aller plus loin sur les questions qui n’ont pas été suffisamment abordées jusqu’à présent, notamment les mesures relatives au travail forcé, les droits des communautés autochtones, quilombolas et autres communautés traditionnelles et rurales, et les liens avec les autres obligations internationales.
Chaque fois que la formulation de la feuille de route est restée large, les comités de l’OCDE sont censés adopter une compréhension approfondie qui garantit une mise en œuvre adéquate des normes internationales les plus élevées, en interprétant toute ambiguïté selon le principe pro persona.

Il est essentiel que le processus d’examen des comités soit plus transparent et inclusif. La FIDH, Conectas et OECD Watch demandent instamment aux comités d’ouvrir des espaces de consultation et de partage d’informations avec toutes les parties prenantes tout au long du processus d’adhésion.  

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