un peuple sinistré, une politique criminelle, des responsabilités plurielles

05/06/2003
Rapport

Argentine : un peuple sinistré
une politique criminelle, des responsabilités plurielles


La Fédération Internationale des ligues des Droits de
l’Homme (FIDH) et Droits et Démocratie, ont effectué du 28
février au 11 mars 2002, une mission internationale
d’enquête conjointe sur la situation des droits de l’Homme en
Argentine, ayant en particulier pour objet d’examiner les
conséquences des violations des droits économiques et
sociaux sur la jouissance des droits civils et politiques, la
FIDH n’ayant eu de cesse depuis 1934, de rappeler et
d’affirmer l’indivisibilité de ces deux catégories de droits.
Cette mission a été réalisée à la demande et avec la
collaboration des associations argentines membres de la
FIDH : le Comité d’Action Juridique (CAJ), la Ligue Argentine
des Droits de Homme (LADH) et le Centre d’Études Légales et
Sociales (CELS ).
La mission était composée de : Yasmine Shamsie, spécialiste
canadienne en économie politique et développement, Claude
Katz, secrétaire-général de la FIDH, Luis Guillermo Pérez Casas,
membre du Groupe d’avocats, José Alvear Restrepo de
Colombie et secrétaire général adjoint la FIDH et Pierre Salama,
économiste français, professeur agrégé des universités.
En premier lieu, la mission souhaite souligner que des
demandes formelles et officielles ont été adressées aux
autorités gouvernementales, et ce en temps voulu.
Cependant, les seules autorités ayant répondu positivement
furent : le vice-premier ministre Juan Pablo Cafiero et le
secrétaire d’état au travail Carlos Tomada. En outre, la seule
réponse reçue de la part du Secrétariat national aux droits de
l’Homme, précisait que le Secrétaire ne serait pas de retour
au pays avant le 15 mars, c’est-à-dire, après la conclusion de
cette mission.
La mission regrette cette situation, mais considère que les
nombreuses rencontres avec les principaux acteurs de la
société civile, qui jouent un rôle essentiel dans la situation
argentine, ont permis d’obtenir une photographie précise et
très complète des dimensions de la crise que vit ce pays. En
Argentine, durant ces dernières années, plus de 2.800
habitants ont été traduits devant la justice pour avoir pris part
à des manifestations d’opposition à la politique économique
de l’Etat, démontrant ainsi une criminalisation de la
protestation sociale.
C’est la raison pour laquelle, outre son activité dans la ville de
Buenos Aires, les membres de la mission se sont rendus dans
la province de Neuquén, (à 1.200 kilomètres de la capitale),
où on enregistre le taux le plus élevé quant à ce phénomène
(500 accusés). La mission s’est entretenue avec les autorités
judiciaires, les organisations locales de droits de l’Homme et
de nombreuses victimes de cette politique de répression.
De même, la mission s’est rendue dans la ville de Plata ( à 60
kilomètres de la capitale), afin de s’entretenir avec le
secrétaire aux Droits de l’Homme de la province de Buenos
Aires, ainsi qu’avec la présidente de la cour d’appel, pour
réclamer, notamment, la libération du dirigeant syndical
Emilio Alí, condamné à 5 ans et demi de prison, pour avoir
dirigé une manifestation de chômeurs, qui sollicitaient de la
nourriture. Ultérieurement, la mission s’est rendue à la Prison
de Gorina où elle a pu rencontrer Emilio Alí.
La mission, considère que ces démarches auprès du Tribunal
et des autorités gouvernementales ont contribué à obtenir la
libération d’Ali, peu après son départ d’Argentine. La sentence
a ainsi reconnu - dans sa partie essentielle - que les
manifestations de protestation sociale ne constituent
aucunement une infraction.
Durant ses entrevues avec les autorités judiciaires et
politiques, la mission a rappelé la nécessité d’appliquer les
traités internationaux ratifiés par l’Argentine, qui interdisent
de criminaliser la protestation sociale.
La mission a par ailleurs assisté à des assemblées de
quartiers (" barriales ") dans la capitale et à des assemblées
de chômeurs dans les faubourgs de Buenos Aires.
La mission a réalisé plusieurs entretiens avec les autorités
judiciaires qui mènent l’enquête sur les événements
tragiques, survenus les 19 et 20 décembre 2001, qui ont
abouti à la chute du gouvernement de l’ancien Président de la
Rúa, confirmant la tendance à l’utilisation de la violence
physique et de menaces menées par les groupes policiers ou
para-politiques.
La mission souhaite témoigner du haut degré de
collaboration et de participation démontrée par tous les
secteurs et personnalités rencontrés en Argentine afin de
permettre son bon accomplissement.

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