Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée internationale des défenseur·es des droits humains, les défenseur·es des droits humains et les organisations de la société civile appellent les gouvernements de la région à mettre en place des actions qui respectent et protègent leur travail.
Les défenseur·es des droits humains ont pris la tête d’actions en faveur de la paix, de la justice, des droits des peuples autochtones, du respect des territoires et du renforcement de la démocratie. Dans de nombreux cas, elles ou ils sont victimes et rescapé·es de violations des droits humains, ce sont aussi des actrices et acteurs de la reconnaissance des droits et de la transformation des conflits au sein de leurs communautés.
Ce sont des gens ordinaires, des travailleurs, des avocat·es, des étudiant·es, des femmes militantes, des leaders indigènes, afro-descendant·es, paysan·nes et communautaires, des journalistes, des syndicalistes ou des défenseur·es du territoire et de l’environnement, qui ont toujours lutté en temps de crise pour reconquérir nos droits, exiger leur garantie, leur respect et la promotion de toutes les libertés.
Malgré cela, les défenseur·es des droits humains vivent un siège permanent en raison de leur travail de défense des droits humains, elles ou ils sont victimes d’assassinats, de menaces, d’agressions physiques et numériques, d’espionnage, de vols, de stigmatisation, de persécutions, de criminalisation, de privations de liberté, de déplacements forcés, d’enlèvements, de disparitions, de détentions arbitraires, d’usage excessif de la force et de violences sexuelles, entre autres, dont certains sont spécifiques ou renforcés en raison du sexe ou de l’origine ethnique.
Actuellement, l’Amérique latine est l’une des régions les plus dangereuses au monde pour la défense des droits humains, et pourtant les organismes gouvernementaux n’ont pas adopté de mesures extraordinaires pour leur protection. Au contraire, la situation s’est aggravée en raison de l’adoption de normes restrictives et régressives qui frappent l’exercice des droits humains.
Parmi les mesures les plus fréquentes, citons : les limites d’accès à l’information, à la participation, à la justice, à la protestation sociale et l’intensification de la militarisation, qui sont particulièrement présentes dans les industries extractives ; ainsi que l’augmentation de la violence de genre et les campagnes de dénigrement à l’encontre de celles et ceux qui défendent les droits humains. Dans la plupart des contextes de violence, les principaux agresseurs restent les agents de l’État, suivis par le crime organisé et les acteurs privés, principalement associés aux industries extractives, pour ces derniers.
C’est pourquoi aujourd’hui, à l’occasion de la journée internationale des défenseurs des droits humains, il est nécessaire non seulement de reconnaître le travail qu’elles et ils réalisent pour la justice et la défense des droits et des communautés, mais aussi d’appeler tous les organes de l’État à mettre en œuvre des actions concrètes et réelles, avec une approche de genre et intersectionnelle, visant à protéger la vie et l’intégrité des défenseur·es des droits humains et à garantir leurs droits.
Dans ce but les parlementaires de chaque pays doivent empêcher l’adoption de réglementations qui restreignent l’espace civique de la société civile, l’utilisation de mécanismes qui permettent de criminaliser le rôle des défenseur·es et l’imposition d’obstacles fiscaux ou d’enregistrement aux associations de la société civile. Il est nécessaire que tous les niveaux de l’administration prennent des mesures visant à reconnaître la mission des défenseur·es des droits humains, leur fournir des mesures de protection et s’abstiennent d’organiser des campagnes de dénigrement.
Il est urgent d’engager des poursuites pénales et de prévoir les sanctions correspondantes, en cas d’inaction et de retard dans les enquêtes sur les crimes commis contre les défenseur·es. Les organes de contrôle et de l’administration de justice doivent disposer de directives spécialisées et de mécanismes de responsabilité permettant au public, en particulier aux défenseur·es des droits humains, de connaître l’avancement des enquêtes. Les organismes chargés de sauvegarder la vie et l’intégrité des personnes en danger devraient être renforcés et disposer des capacités humaines et financières nécessaires pour permettre la coordination entre les différents niveaux de gouvernement et les autorités publiques à l’échelle nationale ou binationale, ce dernier cas pour les défenseur·es autochtones dans les territoires transfrontaliers.
Il est prioritaire d’établir une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence et un cadre juridique clair prévoyant des sanctions dans les cas impliquant des entreprises ou des fournisseurs qui encouragent des actions qui criminalisent ou mettent en danger les défenseur·es des droits humains. De même, il est urgent de concevoir et de mettre en œuvre des mécanismes permettant de contrôler l’activité des entreprises dans le respect de leurs obligations et de leur diligence appropriée. Dans ce contexte, nous exhortons également les États à générer des processus d’enquête, de justice et de sanctions des acteurs privés, où sont identifiés non seulement les acteurs matériels mais aussi les acteurs intellectuels de ces attaques. Les victimes et leurs familles doivent se voir garantir des démarches de réparation adéquates. Il est également urgent d’empêcher les systèmes judiciaires nationaux, qu’ils soient pénaux, constitutionnels ou civils, d’entraver le travail des défenseur·es des droits humains. Ainsi que des actions multisectorielles pour l’élimination des activités illégales, telles que le trafic de drogues, l’exploitation forestière illégale et le trafic de terres, qui sont une source de violence contre les défenseur·es et leurs communautés.
Les organisations de la société civile des différents pays de la région poursuivront la construction de réseaux et de mécanismes de soutien réciproque et d’autoprotection afin de répondre aux menaces, aux attaques et aux risques actuels, et prévenir et donner l’alerte sur d’autres défis à venir. Nous continuerons également à exiger des gouvernements de la région de respecter leurs obligations de protection en vertu des traités internationaux relatifs aux droits humains et de la Déclaration des défenseurs.
Enfin, nous appelons la société en général, les instances nationales et internationales de défense des droits humains et les organisations multilatérales, à reconnaître l’importance du rôle des nombreux/ses militant·es, à se joindre à leurs justes causes et à exiger que les gouvernements et les dirigeants soutiennent le travail des défenseur·es et génèrent des politiques de protection garantissant le droit de défendre les droits humains.
Aujourd’hui, la défense des droits est plus urgente que jamais dans la région et il est crucial que nous renforcions et protégions celles et ceux qui défendent les droits de chaque individu. Nous sommes convaincus qu’en accompagnant et en soutenant leur travail, nous renforçons les démocraties d’Amérique latine et des Caraïbes.