Depuis les élections présidentielles de 2002, maintenant Robert Mugabe à la tête de l’Etat, la forte pression exercée sur les défenseurs s’est non seulement aggravée mais a également changé de nature : les formes d’oppression sont plus pernicieuses et sophistiquées1
Outre les menaces et pressions directes contre les défenseurs des droits de l’Homme, le pouvoir utilise tout un arsenal législatif pour les contraindre au silence. Cette stratégie passe par l’application d’une loi restrictive sur la liberté d’association qui n’avait pas été utilisée jusqu’à récemment2 ; la rédaction d’un projet de loi sur les ONG très restrictif ; ou encore l’utilisation fallacieuse de lois pour interdire notamment toute critique à l’égard du chef de l’Etat et de son gouvernement et pour museler les libertés de réunion et de manifestation au motif vague du maintien de l’ordre public3.
Les défenseurs des droits de l’Homme, qu’ils soient membres d’ONG, avocats, magistrats, journalistes ou encore syndicalistes, sont constamment harcelés par des violences, arrestation et détention arbitraires, pressions fiscales ou sanctions administratives. Par exemple, le 6 juin 2003, des membres du ZANU-PF, le parti du Président Mugabe ont enlevé et torture un groupe d’employé du Zimbabwe Civic Education Trust (société zimbabwéenne pour l’éducation civique). Les employés ont été conduits au poste de police, où ils ont été détenus pendant 3 jours sans être informés des charges retenues contre eux.
Le 4 février dernier, plusieurs centaines de membres de la National Constitutional Assembly (NCA), un collectif d’ONG indépendantes, ont été brutalisés par la police alors qu’ils manifestaient devant le Parlement de Harare pour demander une réforme de la Constitution. On dénombre plus de 150 blessés, dont le Président du NCA, M. Lovemore Madhuku. 116 manifestants ont été arrêtés et détenus au Commissariat central d’Harare, accusés d’avoir organisé une manifestation illégale. Le 11 février, l’Union européenne a dénoncé publiquement la répression violente de cette manifestation pacifique.
Les autorités du Zimbabwe violent ouvertement les libertés d’expression, d’association et de manifestation garanties par le Pacte sur les droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiés par le Zimbabwe, ainsi que la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée en 1998.
L’Observatoire demande aux autorités du Zimbabwe de :
1/ Mettre immédiatement fin à toute forme de harcèlement et de répression à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme ;
2/ Assurer que tous les défenseurs des droits de l’Homme du Zimbabwe puissent exercer librement leurs activités, et en particulier, assurer que les autorités garantissent les libertés d’association, d’expression et de réunion, garanties notamment par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux, et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiés par le Zimbabwe ;
3/ Reconnaître publiquement le rôle essentiel que jouent les défenseurs dans le renforcement de l’Etat de droit et la démocratie et garantir le respect de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998 ;
4/ Procéder immédiatement à des enquêtes impartiales et exhaustives sur tous les actes de violence perpétrés contre des défenseurs des droits de l’Homme, afin d’identifier leurs auteurs, de les poursuivre en justice et de les juger conformément à la loi ;
5/ Réviser la législation afin de la rendre conforme aux dispositions internationales relatives aux droits de l’Homme, en particulier les dispositions de la loi relative à l’ordre public et la sécurité (POSA), la loi relative à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée (AIPPA), la loi sur les services de radiodiffusion (BSA) et la loi sur les associations (PVO Act) ;
6/ Garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire ;
7/ Donner une suite positive à la demande de la Représentante Spéciale du Secrétaire Général des Nations Unies pour les défenseurs des droits de l’Homme en 2003 de visiter le Zimbabwe et d’étudier la situation des défenseurs des droits de l’Homme dans le pays.
L’Observatoire demande également :
– A l’Union européenne (UE), de maintenir et renouveler les sanctions adoptées par l’UE en février 2002, comme cela avait été le cas en février 2003, et de renforcer son soutien aux ONG de défense des droits de l’Homme et aux défenseurs des droits de l’Homme ;
– Aux Nations unies, d’adopter, lors de la prochaine session de la Commission des droits de l’Homme en mars 2004, une résolution sur le Zimbabwe condamnant les violations des droits de l’Homme perpétrés par le régime, en particulier celles visant les défenseurs des droits de l’Homme ;
– A la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, de suivre avec une attention particulière la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Zimbabwe et en particulier d’adopter à l’occasion de la prochaine session qui se tiendra en mai 2004, une résolution sur cette situation.
– A l’Union africaine d’adopter à l’occasion de la prochaine session de la Conférence de l’Union africaine qui se tiendra en juillet 2004, une décision condamnant la répression dont font l’objet les défenseurs des droits de l’Homme au Zimbabwe.
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