Le président togolais doit passer de l’engagement à la mise en oeuvre

06/09/2006
Communiqué

Paris, le 6 septembre 2006 - 18 mois après son élection entachée d’irrégularités et de violences, ayant causé la mort de centaines de personnes, pour la plupart des civils non armés, le président togolais, Faure Gnassingbé, se rend en visite officielle à Paris entre le 6 et le 8 septembre 2006.

Faure Gnassingbé cherche à affirmer une légitimité contestée et plaidera auprès de son homologue français, Jacques Chirac, pour la reprise de la coopération entre le Togo et l’Union Européenne. Il présentera à cet effet les dispositions de l’accord politique global signé le 19 août 2006 par le gouvernement togolais, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), 5 partis d’opposition et deux organisations de la société civile.

La FIDH se félicite que la plupart des engagements souscrits par les parties signataires de l’accord reprennent ceux pris le 14 avril 2004 par les autorités togolaises à l’issue des consultations avec l’Union européenne ainsi que certaines recommandations émises par la FIDH dans son rapport d’enquête « Retour sur la crise togolaise : l’exigence de justice demeure » publié en novembre 2005. La FIDH souligne notamment la décision de nommer un gouvernement d’union nationale ouvert aux partis politiques et à la société civile ; la mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante chargée de contrôler l’organisation des élections législatives ; la suppression des délais de résidence pour les candidats aux élections ; la suppression de l’exigence de présenter une copie légalisée de l’acte de renonciation à toute nationalité étrangère, dont le candidat pourrait être titulaire ; l’affirmation de la vocation « apolitique » et du caractère républicain de l’armée et des forces de sécurité. La FIDH souhaite néanmoins que la communauté internationale tire les conclusions de cet accord à l’aune de la concrétisation des engagements.

Par ailleurs, la FIDH demeure extrêmement préoccupée quant au respect du droit des victimes à la justice et à réparation garanti par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ratifiés par le Togo. La FIDH rappelle qu’un rapport d’enquête du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme [1] fait état d’environ 500 morts à l’occasion des élections présidentielles d’avril 2005 [2] et porte en grande partie la responsabilité sur les forces togolaises de sécurité. La FIDH rappelle à cet égard que le Comité des Nations unies contre la Torture a condamné en mai 2006 l’impunité des militaires auteurs d’une « pratique généralisée de la torture, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires, de détentions au secret, ainsi que de viols fréquents ». En effet, les plaintes déposées au nom des victimes par des organisations de la société civile sont restées sans suites. Et le montant élevé des cautions exigé par les juges pour la mise au rôle d’une plainte constitue un obstacle supplémentaire au droit à l’accès à la justice. Si les parties à l’accord politique global ont convenu de créer une « Commission chargée de faire la lumière sur les actes de violence politique commis durant la période allant de 1958 à ce jour, et d’étudier les modalités d’apaisement des victimes », l’absence d’un mandat clair et de critère d’indépendance de cette commission et la terminologie lénifiante concernant les besoins des victimes font craindre la consécration de l’impunité, une hypothèque majeure d’une réconciliation nationale durable.

La FIDH demande :

 aux autorités togolaises de prendre toutes les mesures utiles pour que les auteurs des crimes les plus graves commis à l’occasion des élections présidentielles d’avril 2005 soient poursuivies et jugés conformément aux dispositions internationales de protection des droits de l’Homme ;

 aux partis à l’accord politique global de mettre en oeuvre, dans les plus brefs délais, l’ensemble de leurs engagements ;

 à l’Union européenne, de n’envisager la reprise de la coopération avec le Togo, qu’une fois mis en oeuvre effectivement l’ensemble des engagements souscrits par les autorités togolaises, mais aussi au regard d’avancées concrètes en matière de lutte contre l’impunité. A cet égard, la FIDH préconise l’instauration d’une instance bi-partite UE/Togo associant le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme au Togo, qui fasse rapport périodique et public sur le respect des engagements, notamment en matière de protection des droits de l’Homme.

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