Lac Tchad : les populations prises en étau entre les Etats et la résurgence de Boko Haram

21/07/2020
Rapport

La FIDH et ses deux organisations membres au Tchad, la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) et l’Association tchadienne pour la promotion des droits de l’Homme (ATPDH) publie un rapport sur la situation des populations vivant autour du lac Tchad, prises en étau entre les États de la région et Boko Haram.

Dans cette zone à la géographie unique, particulièrement vulnérable aux aléas climatiques, à la croissance démographique forte, les habitants, parmi les plus pauvres du monde, ont longtemps été ignorés par les pouvoirs publics. Dans la plupart des localités, les services de base sont rares, voire inexistants. « Rien n’a été fait pendant des années, explique un notable tchadien. Il n’y a quasiment aucune école sur les îles. Ces gens ont été laissés à l’abandon. Ils sont livrés à eux-mêmes. Cela créé des frustrations ».

Sur la base de rencontre avec des victimes, des témoins, des acteurs locaux du conflit dont notamment d’anciens insurgés, ainsi que les autorités locales et nationale, ce rapport explique les raisons historiques, géographiques et politiques qui font du lac - ses rives et ses îles – un sanctuaire idéal pour un groupe armé tel que Boko Haram ; il détaille comment ses habitants, pris au piège du terrorisme et du contre-terrorisme, se trouvent dans ce qu’ils considèrent être un étau, entre d’un côté un État qui n’a jamais rien fait pour eux, et de l’autre un mouvement armé qui a tué de nombreux civils et inspire toujours la crainte en dépit de ses récentes évolutions ; il documente un certain nombre de violations des droits humains et d’abus, commis par les insurgés de l’ISWAP (Islamic State’s West Africa Province) et du JAS (Jama’tu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad), par des militaires nigérians et tchadiens, et par des responsables de l’État tchadien ; il décrit enfin comment Boko Haram, malgré sa scission, a su se réinventer pour « gagner les cœurs et les esprits » des populations et pourquoi les États de la région ont des difficultés à répondre à cette nouvelle donne.

Ce rapport s’intéresse tout particulièrement à la situation qui prévaut du côté tchadien. Longtemps, le Tchad a été le pays le moins impacté par les agissements de Boko Haram. Il a par conséquent été relativement négligé par les analystes internationaux et par les partenaires étatiques et humanitaires du pays. Alors qu’une littérature riche et abondante a été publiée sur le Nigeria, et dans une moindre mesure le Niger et le Cameroun, rares sont les études consacrées au volet tchadien de la crise. Or, avec l’implantation probablement durable d’ISWAP sur les rives et les îles du lac Tchad, ce pays, qui joue déjà un rôle moteur sur le plan militaire, se trouve désormais en première ligne, même si les principales attaques ont été menées sur le sol nigérian.

La résurgence des activités armées de Boko Haram a surpris les gouvernements de la région, qui pensaient avoir porté un coup fatal aux insurgés avec la mise en place d’une force conjointe, la Force multinationale mixte (FMM), en 2015. En dépit des discours officiels qui se veulent rassurants, ce retour en force inquiète au plus haut point les autorités des États de la sous-région ainsi que leurs alliés occidentaux ; il démontre que l’insurrection jihadiste est solidement implantée dans la zone du lac et dénote l’incapacité des gouvernements à répondre rapidement aux attentes des populations de cette région transfrontalière.

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