Tchad : Harcèlement et représailles contre Assingar Dobian

06/05/2016
Communiqué

(Genève, Paris) L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) dénonce les nouveaux actes d’intimidation et de représailles à l’encontre du défenseur tchadien M. Assingar Dobian, représentant de la FIDH auprès de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et président d’honneur de la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), après ses prises de positions publiques dénonçant les violations des droits humains commises à la suite du scrutin présidentiel, et appelle les autorités tchadiennes à y mettre un terme sans délai.

Le 29 avril 2016, le Président Idriss Déby Itno, nouvellement réélu pour un cinquième mandat, a pris le décret n°340/PR/2016 destituant M. Assingar Dobian du Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers (CCSRP). Ce décret intervient au lendemain de la prise de position publique de M. Dobian, dans un communiqué de la FIDH, dénonçant les violations des droits fondamentaux commises au Tchad à la suite du scrutin présidentiel. L’Observatoire estime que ce décret intervient en représailles à cette prise de position et ne vise qu’à sanctionner les activités de défense des droits humains de M. Dobian.

Cette décision est d’autant plus contestable qu’elle est dépourvue de toute base légale. En effet, le CCSRP est un organe administratif indépendant de contrôle, créé par la Loi n° 001/PR/99 du 11 janvier 1999 relative à la gestion des revenus pétroliers. L’article 2 du décret n° 1094/PR/PM/2014 du 17 septembre 2014, pris en application de la nouvelle Loi n° 002/PR/2014 portant gestion des revenus pétroliers et portant organisation, fonctionnement et conditions de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers, établit l’indépendance et l’autonomie de gestion de ce Collège. Il a pour mission de garantir une gestion efficiente et transparente des revenus pétroliers. Le décret du 17 septembre 2014 susmentionné établit également en son article 6 que le CCSRP est composé de 10 membres, notamment d’un représentant du collectif des associations de défense des droits de l’Homme, désigné par ses pairs et nommé par décret pour un mandat de trois ans renouvelable une fois. M. Dobian avait donc été désigné sur cette base par ses pairs en septembre 2011. Le décret présidentiel du 29 avril contrevient ainsi à l’indépendance de cet organe.

« Le décret illégal destituant M. Dobian de ses fonctions au sein du Collège de contrôle et de surveillance des revenus pétroliers intervient clairement en représailles de ses prises de position à l’encontre du gouvernement et doit être annulé immédiatement et sans condition. »

Karim Lahidji, Président de la FIDH

M. Dobian est régulièrement victime d’actes d’intimidation de la part des autorités tchadiennes en raison de ses activités de défense des droits humains. Ainsi, le 8 avril 2016, M. Dobian a reçu des menaces via un appel anonyme.

« Au lieu d’entamer son nouveau mandat en poursuivant le musellement de toutes les voix contestataires, le Président Déby devrait enfin respecter les droits fondamentaux, et garantir à la société civile la capacité de travailler en toutes circonstances dans un environnement sûr et favorable. »

Gerald Staberock, Secrétaire général de l'OMCT

Ces faits interviennent dans un climat politique particulièrement tendu au Tchad à la suite de l’élection présidentielle du 10 avril 2016. Cette élection a été marquée par de nombreuses irrégularités et l’arrestation de plusieurs opposants politiques et membres de la société civile. L’Observatoire appelle les autorités tchadiennes à mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre des représentants de la société civile et à se conformer en toutes circonstances aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Tchad.

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