La liberté d’expression en péril : 2 journalistes indépendants écroués.

28/07/2005
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et ses organisations affiliées, la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH) et l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) sont vivement préoccupées par le sort réservé aux journalistes indépendants au Tchad.

Le 18 juillet, deux journalistes ont en effet été condamnés à des peines d’emprisonnement par le Tribunal correctionnel de N’djamena.

Samory NGARADOUMBÉ, coordonnateur de l’hebdomadaire l’Observateur était poursuivi pour diffamation et "incitation à la haine" pour avoir publié dans son journal une lettre ouverte adressée au chef de l’Etat demandant la libération de membres de la communauté Kreda arrêtés par les services de sécurité tchadiens. Il a été condamné à trois mois de prison ferme et 100 000 francs CFA d’amende.

Les mêmes chefs d’inculpation ont été retenus à l’encontre de Garondé DJARMA, journaliste indépendant et auteur d’un article paru dans l’Observateur sur le référendum constitutionnel du 6 juin dernier. Il critiquait la modification constitutionnelle permettant au président Déby de briguer un troisième mandat. Il a été condamné à 3 ans d’emprisonnement et à une amende de 1 million de francs CFA.

Le même jour, la directrice de publication de l’Observateur, Mme Koumbo SINGA GALI, a été convoquée par la police judiciaire afin d’être entendue sur la publication par son journal d’une interview de Garondé DJARMA qui affirmait que son arrestation était l’œuvre des "Janjaweed de N’djamena". Elle doit comparaître devant le Tribunal correctionnel le 1er août prochain pour "incitation à la haine tribale".

Le 25 juillet, Michael DIDAMA, directeur de l’hebdomadaire Le Temps, comparaissait également devant le Tribunal correctionnel pour diffamation après la publication d’un reportage sur les rebelles tchadiens opérant à la frontière tchado-soudanaise et les massacres de population à l’Est du pays, dans le canton de Ouaddi Hamra. Le gouvernement tchadien avait aussitôt réagi à cet article dans un communiqué radiodiffusé en estimant que ces informations étaient "mensongères et tendancieuses" et qu’elles relevaient de l’incitation à la haine tribale et de "l’apologie de la violence". Le Tribunal a renvoyé l’affaire en délibéré. Le verdict est attendu le 1er août prochain.

La FIDH, la LTDH et l’ATPDH dénoncent le procès inique de messieurs NGARADOUMBÉ et DJARMA. Suite à leur première arrestation en juin 2005 pour les mêmes faits, le Tribunal de première instance de N’djamena avait annulé les poursuites pour vice de forme. Les deux journalistes avaient été placés sous mandat de dépôt avant d’être cité à comparaître en violation de l’article 61 de la loi 29 relative au régime de la presse au Tchad.

La FIDH, la LTDH et l’ATPDH estiment que le sort réservé aux journalistes tchadiens porte gravement atteinte à la liberté de la presse ainsi qu’aux libertés d’expression et d’opinion, pourtant consacrées à l’article 27 de la Constitution tchadienne et à l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Tchad.

La FIDH, la LTDH et l’ATPDH appellent les autorités tchadiennes à :

 garantir la liberté de la presse et l’exercice des libertés d’expression et d’opinion,

 assurer la sécurité des journalistes et mettre fin aux menaces et actes d’intimidation à l’encontre des médias indépendants et des défenseurs des droits de l’Homme,

 garantir un procès équitable à Mme Koumbo SINGA GALI qui doit comparaître devant le Tribunal correctionnel le 1er août prochain,

 garantir le respect des libertés fondamentales conformément à la Constitution et aux instruments internationaux de protection des droits de l’Homme qui lient le Tchad, tels le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Lire la suite