Impunité consacrée dans l’affaire Jacqueline Moudeïna

11/11/2003
Communiqué

Ce matin, le Tribunal correctionnel de N’djamena a décidé la relaxe des trois accusés dans l’affaire Jacqueline Moudeïna.

La FIDH et l’OMCT, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, ainsi que leurs deux organisations affiliées au Tchad, l’Association tchadienne pour la protection et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) et la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), considèrent cette relaxe comme une insulte faite aux victimes, défenseurs des droits de l’Homme. Cette décision s’inscrit en violation du droit à un recours effectif visé par les dispositions internationales de protection des droits humains notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Pour rappel, lors d’une marche pacifique de femmes protestant contre les fraudes électorales constatées lors du scrutin présidentiel de juin 2001, les forces de sécurité ont lancé des grenades à feu sur les manifestantes. Maître Jacqueline Moudeïna*, avocate des victimes dans l’affaire Hissène Habré au Tchad et au Sénégal est grièvement blessée. Elle décide, aux côtés de la LTDH et soutenue par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, de porter plainte, avec six autres femmes tchadiennes, auprès du tribunal de N’Djaména le 18 mars 2002, contre les commissaires Mahamat Wakaye, Mahamat Idriss et Taher Babouri, pour violences illégitimes, coups et blessures aggravés.

Attendue initialement le 16 septembre 2003, après plusieurs reports d’audience, la décision prise aujourd’hui par le Tribunal correctionnel a suivi le réquisitoire du Procureur de la République qui affirmait que l’infraction n’était pas constituée, précisant que les prévenus avaient agit conformément aux ordres donnés par leur supérieur hiérarchique. Le Procureur aurait alors annoncé que pour juger cette affaire il fallait remonter aux plus hautes autorités de l’Etat. De tels propos sont particulièrement cyniques, compte tenu du contexte d’impunité qui prévaut au Tchad, comme en témoigne d’ailleurs cette décision judiciaire.

Les avocats de Jacqueline Moudeïna font appel de la décision.

* Retour sur Jacqueline Moudeïna :

En octobre 2000, Maître Moudeïna dépose au parquet de N’djamena des plaintes, au nom des victimes, contre les complices de l’ex-dictateur Hissene Habré, aujourd’hui en exil au Sénégal. Parmi les personnes visées dans ces plaintes figurent les anciens directeurs, chefs de service et membres de sa police politique (la Direction de la Documentation et de la Sécurité - DDS), dont certains sont encore présents au sein de l’administration tchadienne, notamment dans l’appareil sécuritaire de l’Etat. Jacqueline Moudeïna était également l’une des avocates des victimes dans le procès intenté -en janvier 2000- contre Hissene Habré au Sénégal et elle soutient aujourd’hui les victimes qui cherchent à obtenir son extradition afin qu’il comparaisse devant la justice belge.
Jacqueline Moudeina est lauréate du prix Martin Ennals des droits de l’Homme 2002

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