Deux journalistes incarcérés

02/02/2003
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et le Collectif des associations tchadiennes des droits de l’homme condamnent l’incarcération, jeudi 6 février à N’djaména, du directeur de publication du journal " Notre Temps ", M. Nadjikimo Bénoudjita et son confrère Mbainaye Bétoubam. Les deux journalistes ont été condamnés pour diffamation à six mois d’emprisonnement ferme et à une amende de 100.000 Francs CFA (plus de 152 euros), ainsi qu’à une interdiction d’exercer leur profession pendant huit mois, au terme d’un procès inéquitable. Cette condamnation porte gravement atteinte à la liberté d’expression et traduit, à l’évidence, la volonté des autorités tchadiennes de persécuter la presse libre et indépendante.

Dans la parution n° 106 du 23 décembre 2002 du journal " Notre Temps ", les deux journalistes ont publié un article relatant les faits de torture perpétrés en prison à l’encontre des personnes accusées du vol des bijoux appartenant à Mme Hadjé Billy Douga, directrice des affaires sociales au ministère de la Femme. Dans l’article, les journalistes ont en effet fait mention de témoignages relatifs à des traitements inhumains et dégradants subis par les prisonniers.
Mme Hadjé Billy Douga avait estimé avoir été diffamée par le journal, après que les journalistes aient fait allusion son rôle de plaignante dans l’affaire.
Le procès, manifestement inéquitable, a été notamment caractérisé par le refus systématique opposé aux prévenus de citer leurs témoins dont la présence était pourtant essentielle pour l’établissement de la vérité. Les avocats de la défense se sont retirés en signe de protestation. La FIDH estime que la justice n’a pas respecté le droit à un procès équitable, comme stipulé dans la constitution tchadienne. L’article 24 mentionne en effet que " tout prévenu est innocent jusqu’à l’établissement de sa culpabilité à la suite d’un procès régulier offrant des garanties indispensables à sa défense ". Le tribunal a rendu une sentence particulièrement lourde à l’issue de ce procès. Le juge, outre les peines d’emprisonnement prononcées, a en effet ordonné la fermeture du journal pour trois mois, le versement de deux millions de Francs CFA (plus de 3000 euros) à titre de dommages et intérêts. De plus et quelle que soit la teneur de l’article, la FIDH considère que cette condamnation à six mois d’emprisonnement est inique et injustifiable, s’agissant d’un délit d’expression journalistique ; là où par ailleurs, la plaignante (proche parente du président de la république du Tchad) ne demandait qu’1 franc symbolique pour laver son honneur.
La FIDH dénonce une parodie de justice et craint que cette décision dangereuse serve de précédent pour légitimer une restriction de l’espace de la liberté d’expression, un droit garanti par l’article 27 de la constitution tchadienne ainsi que par la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La FIDH appelle le président de la République du Tchad, en tant que garant des obligations souscrites par le Tchad dans le domaine des droits de l’Homme, à prendre les mesures nécessaires au respect de la liberté d’information et de la liberté de défendre les droits universellement reconnus.
Contact presse : 01.43.55.25.18

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