Soudan : La violente répression des manifestants requière une action urgente de la communauté internationale

05/06/2019
Communiqué
en fa fr

Khartoum, Kampala, Paris, 5 juin 2019 - Selon des sources médicales à Khartoum, au moins 60 manifestants pacifiques ont été tués et plus de 600 autres blessés depuis lundi matin au cours d’une violente répression par les forces de sécurité à Khartoum. ACJPS, SHRM et la FIDH appellent au déploiement urgent d’une mission internationale d’enquête, conduite par les Nations Unies (ONU) et l’Union africaine (UA), pour enquêter sur cette répression et pour s’assurer que les responsables répondent de leurs actes. La communauté internationale devrait également envisager des sanctions ciblées et tout processus de justice visant les auteurs de ces crimes.

Lundi à l’aube, des membres des Forces de soutien rapide (RSF), du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), des Forces armées soudanaises (SAF) et de milices ont attaqué les civils participant au sit-in pacifique se tenant devant le quartier général de l’armée à Khartoum. Les manifestants campaient là-bas depuis le 6 avril, exigeant le transfert du pouvoir aux civils. Les forces armées ont ouvert le feu sur les manifestants, les ont battus et ont brûlé leur camp. Cette répression violente a fait au moins 60 morts et 600 blessés, selon les chiffres les plus récents publiés par le Comité central des médecins soudanais (CCSD). Selon des témoins oculaires, de nombreux autres cadavres ont été vus dans la zone de sit-in vidée ainsi que sur des véhicules des RSF en direction de destinations inconnues. Cent vingt manifestants ont été arrêtés et sont actuellement détenus au poste de police du nord de Khartoum.

Lundi après-midi, un nombre important de forces de sécurité a été déployé dans les rues de la capitale. Des informations faisant état d’attaques toujours en cours dans différents quartiers de Khartoum et dans d’autres villes du Soudan laissent craindre un bilan bien plus important. Les forces de sécurité auraient également attaqué au moins deux hôpitaux proches de la zone du sit-in à Khartoum - les hôpitaux Almoalim et Royal Care - à la recherche des blessés, violentant le personnel médical et tirant des coups de feu et des gaz lacrymogènes. Nos organisations exhortent les membres du Conseil militaire de transition (TMC) à mettre immédiatement un terme aux attaques violentes des RSF et des autres forces de sécurité.

« Ce massacre marque un tournant décisif dans les développements survenus au Soudan au cours des derniers mois. Les espoirs suscités par la destitution d’Al-Bashir ont cédé la place aux craintes que la situation ne dégénère davantage. La communauté internationale doit sérieusement prendre en compte ces risques et apporter une réponse forte et coordonnée pour prévenir de nouvelles violences. »

Mossaad Mohammed Ali, Directeur Exécutif de l’ACJPS

« L’Union africaine et l’ONU, qui ont adopté plusieurs positions verbales sur la situation au Soudan, doivent maintenant traduire ces positions en actions concrètes et utiliser les leviers à leur disposition pour faire en sorte que les responsables des crimes récents répondent de leurs actes, pour prévenir de nouvelles violences et pour garantir que les demandes légitimes de démocratie, de paix et de justice au Soudan soient pleinement satisfaites. »

Arnold Tsunga, Vice Président de la FIDH

Après la destitution d’Omar Al-Bashir, de vives inquiétudes ont été suscitées par la composition du TMC et la capacité de ses membres, dont certains seraient responsables de crimes graves, commis y compris pendant la guerre au Darfour, de conduire à bien un processus de transition pacifique et démocratique. À la lumière des récents développements, nos organisations réitèrent leur appel à la communauté internationale, en particulier à l’UA et à l’ONU, pour qu’elle agisse maintenant de manière décisive afin de garantir la mise en place d’une autorité nationale de transition dirigée par des civils au Soudan.

Au moment de la publication de ce communiqué, la situation était toujours très volatile dans certains quartiers de la capitale. La présence militaire demeure importante, ce qui semble indiquer que la répression risque de se poursuivre. Le sit-in, symbole de la révolution depuis près de deux mois, a été entièrement et violemment démantelé.

Contexte
Des manifestations ont éclaté au Soudan le 19 décembre 2018. Alors qu’elles visaient initialement à dénoncer la hausse des prix des produits de première nécessité, elles se sont rapidement transformées en appel à la démission d’Omar Al-Bashir, provoquant une réaction violente des forces de sécurité, qui ont utilisé des gaz lacrymogènes et des balles réelles pour disperser les manifestants. Au moins 128 personnes ont été tuées, dont 60 au moins depuis le 6 avril, et au moins 816 autres ont été arrêtées, dont certaines auraient été soumises à des actes de torture. Les manifestations ont finalement abouti à la destitution du pouvoir d’Al-Bashir le 11 avril.

Organisations signataires :
African Centre for Justice and Peace Studies (ACJPS)
Sudan Human Rights Monitor (SHRM)
FIDH

Contact Presse :
Eva Canan : +33 6 48 05 91 57

Lire la suite