Paris, La Haye, 7 octobre 2025. Les juges de la CPI ont condamné hier, à l’unanimité, Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, également connu sous le nom d’« Ali Kosheib », accusé de 27 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’ancien chef des milices Janjawids a été jugé pour 31 chefs d’accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis au Darfour (Soudan), entre août 2003 et avril 2004, au minimum, notamment pour meurtre, persécution, déplacement forcé, viol, torture et agression de populations civiles.
Un premier procès historique devant la CPI pour les crimes internationaux commis au Darfour
Ce verdict marque une étape historique dans la quête de justice pour les victimes et les survivant·es des atrocités commises durant le conflit du Darfour. Le procès dans cette affaire s’est ouvert le 5 avril 2022 devant la Chambre de première instance, après que Abd Al Rahman s’est lui-même rendu à la justice de la République de Centrafrique. Il s’agit du premier procès issu de la situation du Darfour, au Soudan, déférée devant la CPI par le Conseil de sécurité des Nations unies en 2005 et du premier verdict prononcé à la suite du renvoi d’une situation devant la cour. C’est aussi la première fois qu’un chef des Janjawids, où que ce soit dans le monde, a été tenu responsable à titre individuel des atrocités commises au Darfour.
Ce jugement est également emblématique, car c’est la première fois que la CPI prononce une condamnation pour persécution fondée sur l’orientation sexuelle. La Chambre a estimé que les hommes de la communauté Four avaient été pris pour cibles en raison de leur appartenance ethnique, de leur affiliation politique et de leur genre, en soulignant qu’« une victime peut être exposée à un risque accru de victimisation si elle cumule plusieurs facteurs de discrimination. »
Un premier pas tant attendu vers la justice pour les victimes
1591 victimes ont participé au procès, ce qui montre combien leur espoir dans la justice et l’établissement des responsabilités est tenace. « Cette condamnation constitue une reconnaissance tardive des souffrances endurées par les victimes du Darfour et une affirmation sans équivoque selon laquelle l’impunité des auteur·ices de crimes odieux ne dure pas », a déclaré Mossaad Ali, directeur exécutif de ACJPS. « Près de 20 ans après, les survivant·es ont enfin pu assister à un moment décisif dans l’établissement des responsabilités des auteur·ices de ces crimes. Il s’agit d’une avancée majeure en faveur de la justice et de la guérison. »
« Nous saluons le courage des victimes et des témoins qui ont fait le premier pas et ont encouragé le soutien continu de la communauté internationale pour s’assurer que tou·tes les responsables des crimes du Darfour soient redevables », a indiqué Magdi El Na’im, directeur exécutif du SHRM.
La condamnation d’Abd-Al-Rahman doit ouvrir la voie à des initiatives plus vastes pour obliger les auteur·ices de crimes internationaux commis au Darfour à rendre des comptes. Aujourd’hui, quatre personnes portant la plus grande responsabilité dans les crimes odieux perpétrés, sous mandats d’arrêt de la CPI, sont toujours en liberté et doivent être traduites en justice. Les autorités soudanaises et la communauté internationale doivent redoubler d’efforts pour collaborer avec la CPI et soutenir le processus de justice internationale. La FIDH, l’ACJPS et le SHRM appellent les autorités soudanaises à coopérer pleinement avec la CPI et à livrer les anciens responsables recherchés par la CPI, notamment l’ancien président soudanais Omar Al-Bachir recherché pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Nous demandons également à l’ensemble des États parties de coopérer pleinement avec la CPI, d’exécuter les mandats d’arrêt en suspens et de continuer à soutenir les efforts en faveur de la justice pour obliger les autres suspect·es de la CPI et haut·es fonctionnaires à rendre des comptes pour les crimes de masse commis au Darfour. Nous invitons par ailleurs le Bureau du Procureur de la CPI à accélérer ses enquêtes sur les crimes commis dans le contexte du conflit en cours au Soudan et à demander sans délai la délivrance de mandats d’arrêt.
Des réparations tenant compte des besoins des victimes doivent être mises en place
Les victimes et les survivant·es du conflit du Darfour subissent encore aujourd’hui les séquelles physiques, psychologiques, sociales et économiques pour les crimes perpétrés dans la région. Des millions de personnes ont été chassées de chez elles, n’ont pas accès aux soins, à l’éducation, à des moyens de subsistance et aux services publics de base, et n’ont reçu officiellement ni reconnaissance, ni soutien pour les souffrances qu’elles ont endurées.
Si cette condamnation représente une avancée significative en matière de lutte contre l’impunité, sa portée réelle dépendra de l’issue d’un éventuel appel. La justice doit également prévoir des réparations réelles qui tiennent compte des besoins, des droits et de la dignité des victimes. Les réparations à venir devront être accordées de manière inclusive et transparente, et fondées sur une approche communautaire, à partir de consultations avec les victimes et les communautés affectées.