Pour les enfants du Darfour

11/04/2008
Communiqué

Il y a cinq ans, les premières bombes commençaient à tomber sur le Darfour (Soudan). Les affrontements entre l’armée soudanaise et les rebelles faisaient leurs premières victimes.

Aujourd’hui, à l’occasion de la cinquième journée de mobilisation internationale pour le Darfour, nous souhaitons attirer l’attention sur les conséquences de cette guerre sur les enfants. En effet, sur les quatre millions de personnes touchées par le conflit au Darfour, 1,8 million sont des enfants. Depuis cinq ans, beaucoup sont morts, les autres n’ont connu que la guerre, la violence (y compris sexuelle) ou la vie dans les camps. Un million d’enfants ont été déplacés. Leur futur, déjà incertain, est à nouveau menacé par l’actuel regain de violence.

Depuis février 2008, les populations civiles du Darfour occidental subissent, en effet, des attaques de l’armée soudanaise. Ces dernières visent à reprendre le contrôle de cette zone aux rebelles du Mouvement pour la Justice et l’Egalité. Les forces armées soudanaises utilisent des tactiques déjà éprouvées au cours des périodes les plus meurtrières du conflit en 2003 et 2004 : attaques conjointes des forces soudanaises et des milices janjaweed, soutenues par des hélicoptères et des bombardiers. Ces combats ont tué des centaines de civils et déplacé ou privé d’accès à l’assistance humanitaire des milliers d’autres. La destruction délibérée de cibles civiles (maisons, cliniques, écoles, puits, entrepôts de vivres) fragilise davantage l’avenir des enfants.

Certes, depuis plusieurs années, la communauté internationale se déclare alarmée par ce conflit. Elle s’est efforcée de l’endiguer, à coup d’embargos sur les armes, d’accords de paix, de sanctions, de recours à la Cour pénale internationale, de déploiement d’une force de paix au Darfour et d’une force de l’Union Européenne au Tchad.

Mais, comme la reprise des combats le démontre, ces efforts sont insuffisants. Les négociations politiques et le processus de paix sont au point mort, faute de volonté des acteurs du conflit. La force de maintien de la paix des Nations Unies et de l’Union Africaine n’est pas capable d’accomplir son mandat et de maintenir la paix au Darfour. Son déploiement se fait au compte gouttes ; faute de moyens, cette force ne peut offrir la protection nécessaire aux populations. La Cour pénale internationale a lancé deux mandats d’arrêt contre des personnes suspectées de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour entre 2003 et 2004. Loin d’arrêter ces personnes, le gouvernement soudanais les a, au contraire, pour l’un promu ministre des Affaires humanitaires, pour l’autre remis en liberté pour « manque de preuves ». Le silence de la communauté internationale face aux diverses provocations du gouvernement soudanais, son manque de réaction à la suite des récents bombardements et sa lenteur à déployer la force de paix au Darfour sont inacceptables. Un triste constat s’impose : la communauté internationale faillit à sa responsabilité de protéger les populations du Darfour.

Le 25 juin dernier, Nicolas Sarkozy déclarait « le silence tue » au Darfour. Il ajoutait qu’ « en tant qu’êtres humains et en tant que responsables politiques, nous avons le devoir de régler la crise au Darfour ». Aujourd’hui, près de dix mois après, qu’en est il ?

Certes, la France ne détient pas à elle seule les clés de la résolution du conflit. La multiplicité des acteurs internationaux et leurs intérêts dans la région ainsi que la complexité du conflit sur le terrain soulignent la nécessité d’une action collective et multilatérale. La France peut et doit utiliser son siège au Conseil de sécurité, sa présidence de l’Union européenne dès juillet 2008 et ses liens avec plusieurs pays membres de l’Union africaine pour encourager une pression internationale coordonnée et constante sur les parties au conflit, et en premier lieu sur le gouvernement soudanais.

Pour nos associations, seuls l’arrêt immédiat de toute attaque indiscriminées contre les civils, l’accès libre et sécurisé au Darfour des organisations humanitaires et des défenseurs des droits de l’Homme, la coopération pleine et entière du Soudan avec la Cour pénale internationale pour lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves et le déploiement effectif de la force hybride amèneront l’espoir d’un avenir aux enfants et aux populations du Darfour.

Signataires

Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Jean-Marie Fardeau, directeur du bureau de Paris, Human Rights Watch (HRW)
Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France (AIF)
Marc Zarrouati, président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT – France)

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