Une mobilisation pour les libertés inspirée des évènements en Tunisie et en Égypte sévèrement réprimée par le service national de renseignement et de sécurité

10/02/2011
Communiqué

La FIDH et son organisation membre, le African Centre for Justice and Peace Studies (ACJPS), condamnent vivement la répression en cours orchestrée par les autorités soudanaises contre des manifestants pacifiques qui appellent à la démocratie et au respect des droits de l’Homme.

Le 30 janvier 2011, inspirées par les évènements en Tunisie et en Égypte et mobilisées par les réseaux sociaux, d’importantes manifestations se sont déroulées dans les villes de Khartoum, Omdurman, Wad Medani et Kosti, à l’appel du mouvement « Youth for 30 January Change Alliance », une coalition de groupes d’étudiants soutenus par les parties d’opposition. Les milliers de manifestants ont appelé à la démission du président Omar al-Bashir et demandé au National Congress Party (NCP, parti au pouvoir) de révoquer les lois d’austérité économique prises depuis la sécession du Sud Soudan.

Dans toutes les villes où se sont déroulées les manifestations, les forces de polices et les agents du service national soudanais de renseignement et de sécurité ont attaqué les manifestants en utilisant des gaz lacrymogène, des pompes à eau et des bâtons. Plus d’une centaine d’étudiants et de journalistes qui couvraient les évènements ont été arrêtés.

Nos organisations confirment également l’arrestation de défenseurs des droits de l’Homme, à l’instar de M. Abelazim Mohamed Ahmed, Directeur du Khartoum branch of the Eastern Centre for Culture and Legal Aid, arrêté le 2 février 2011, actuellement détenu au secret.

Selon nos sources, seules quelques personnes arrêtées en lien avec les manifestations du 30 janvier ont été libérées sous caution après avoir fourni l’adresse de leur domicile. La plupart d’entre elles sont toujours détenues accusées d’insurrection. Et des témoignages accablants font état d’actes de torture perpétrés par les agents de sécurité, utilisant les méthodes de décharges électriques et de privation de sommeil, et obligeant les détenus à ne garder que leurs sous-vêtements.

Les autorités ont également cherché à réduire au silence les journaux d’opposition qui ont couvert les manifestations. Quatre quotidiens ont fait l’objet de censure : Ajras Alhurria, Al Sahafa, Al Alyoum et Al-Midan, les deux premiers étant interdits de diffusion depuis le 30 janvier. Les employés de Al-Midan ont été arrêtés dans la soirée du 2 février et sont toujours détenus au secret.

En dépit de l’importante répression ordonnée par les autorités soudanaises, des appels à manifester continuent de parcourir les réseaux sociaux, comme Facebook et Twitter. Mais ces moyens de mobilisation commencent à être infiltrés par les agents du service national soudanais de renseignement et de sécurité ; un appel à manifestation pour le 3 février lancé par texto a entrainé de nombreuses arrestations, laissant supposer que les agents de sécurité ont eux mêmes envoyé le message. Le président Bashir lui même aurait appelé ses sympathisants à utiliser Facebook pour combattre l’opposition. Certains détenus auraient été forcés de donner leur mot de passe pour permettre aux agent de sécurité d’accéder à leurs comptes e-mail et Facebook. En réaction, les activistes tentent d’utiliser des méthodes plus sécurisées via des tracts et en changeant de points de rencontre.

Nos organisations appellent le gouvernement soudanais à :

 Respecter pleinement les libertés d’expression et d’association garanties par l’Article 39 de la Constitution intérimaire et l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Soudan ;
 Cesser toute utilisation excessive de la force contre les manifestants ;
 Relâcher immédiatement toutes les personnes arrêtées en lien avec les manifestations ;
 Prendre toutes les mesures nécessaires pour que cessent immédiatement les actes de torture et à ouvrir des enquêtes indépendantes pour poursuivre les auteurs de ces actes ;
 Lever la censure des journaux ;
 Protéger les défenseurs des droits de l’Homme, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les défenseur des droits de l’Homme adoptée en 1998.

Nos organisations appellent la communauté internationale, notamment les Nations unies, l’Union africaine, la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et l’Union européenne à condamner l’utilisation excessive de la force, les arrestations et détentions arbitraires et les actes de torture commis par les agents de police et du service national de renseignement et de sécurité, ainsi que la censure, et à exiger du gouvernement soudanais qu’il respecte strictement les dispositions nationales et internationales de protection des droits de l’Homme.

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