Paix et justice au Darfour : les droits des victimes pris en otage

Alors que la situation des droits de l’Homme est toujours plus alarmante au Darfour, la FIDH et son organisation affiliée SOAT (Organisation soudanaise contre la torture) condamnent l’opposition des autorités soudanaises à l’intervention de forces onusiennes et appellent les autorités soudanaises à coopérer activement avec la Cour pénale internationale (CPI), un an après sa saisine par le Conseil de sécurité des Nations unies sur la situation au Darfour.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé par la résolution 1663 (2006) du 24 mars 2006 de proroger le mandat de la Mission des Nations unies au Soudan (UNMIS) aux côtés de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS), jusqu’au 24 septembre 2006, et donne mandat au Secrétaire général des Nations unies de négocier avec les parties concernées le passage de la MUAS à une opération des Nations unies.

Si cette résolution, adoptée à l’unanimité, rend compte de la volonté des Nations unies de demeurer activement saisies de la situation au Darfour, la FIDH et SOAT s’inquiètent du refus réitéré par le gouvernement soudanais, avant et pendant le Sommet de la Ligue des Etats arabes qui s’est tenu du 28 au 30 mars 2006 à Karthoum, d’un déploiement d’une force internationale se substituant aux troupes de l’Union africaine. Les dirigeants arabes ont apporté leur soutien au Soudan, en affirmant le rejet de tout intervention onusienne, tout en s’engageant à financer les troupes de l’Union africaine pendant 6 mois, à partir d’octobre 2006. Quant à l’Union africaine, en principe disposée à un tel transfert, elle se trouve face à l’hostilité de Karthoum et au souci de ne pas présenter un échec pour sa première mission de maintien de la paix.

Tout en considérant les efforts entrepris par la MUAS pour faire appliquer le cessez-le-feu, la FIDH et SOAT considèrent que ce transfert onusien s’impose constatant la persistence des graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire au Darfour.
 Par conséquent, la FIDH et SOAT appellent le gouvernement du Soudan à prendre acte de la résolution du Conseil de sécurité et permettant le transfert des forces africaines à celles des Nations unies.
 Par ailleurs, la FIDH et SOAT appellent le Conseil de sécurité à clarifier les termes du mandat qu’il entend confier aux forces internationales, pour inclure - sous l’autorité du chapitre VII de la Charte des Nations unies - la nécessaire protection des populations civiles et la coopération avec les organes de la Cour pénale internationale.

L’absence de volonté du Soudan de régler le conflit au Darfour est également attestée par l’impunité consacrée aux auteurs des crimes les plus graves perpétrés dans la région. La FIDH et SOAT publient un rapport intitulé « La Cour pénale internationale et le Soudan : accès à la justice et droits des victimes », qui présente les interventions de la société civile et des représentants des autorités nationales à l’occasion d’un séminaire organisé les 2 et 3 octobre 2005, à Khartoum sur la lutte contre l’impunité au Darfour et les conséquences de la saisine de la CPI par le Conseil de sécurité. A cette occasion, la société civile insistait déjà sur l’importance d’un accès effectif à la justice des victimes de crimes contre l’humanité, de génocide et de crimes de guerre devant les juridictions nationales et internationale et recommandait aux autorités soudanaises non seulement une étroite coopération avec la Cour, mais également un engagement ferme du gouvernement dans la lutte contre l’impunité au niveau national, conformément au principe de complémentarité [1].

Pourtant, le tribunal spécial pour le Darfour, créé en juin 2005 pour juger des crimes de guerre commis dans cette région, n’a ni la volonté, ni la capacité de répondre aux attentes des victimes et de la société civile.

Aussi, face à l’aggravation de la situation au Darfour et la défaillance du système judiciaire soudanais, la FIDH et SOAT considèrent que l’intervention des forces des Nations unies aux côtés de la justice internationale qu’incarne la CPI, est la seule solution viable pour contribuer effectivement à mettre un terme aux graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire qui heurtent la communauté internationale dans son ensemble.

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