Justice pour les victimes du conflit au Darfour : Non au marchandage de la honte !

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) se félicite que le Conseil de sécurité soit saisi et débatte effectivement du renvoi de la situation au Darfour à la Cour pénale internationale (CPI)[1], ce qu’elle recommande depuis septembre 2004[2].

Cependant, la FIDH dénonce avec la plus grande fermeté le marchandage qui consiste à échanger la saisine de la CPI, qui relève de la responsabilité du Conseil de sécurité de protéger les populations civiles, contre une garantie de ne pas être poursuivis devant la CPI offerte aux ressortissants d’Etats non-parties participant aux opérations de l’ONU. Cette démarche vise à garantir en particulier l’impunité des ressortissants américains.

La FIDH est particulièrement préoccupée et choquée par l’évolution des négociations sur ce texte et d’une nouvelle proposition américano-britannique en date du 25 mars, qui prévoirait d’étendre le mécanisme d’impunité non seulement à l’opération de maintien de la paix prévue au Soudan, mais aussi à toutes les opérations jusqu’à 2009, date à laquelle se tiendra la conférence de révision du Statut de la CPI.

Cette proposition, qui illustrerait à nouveau la défiance paranoïaque des USA à l’égard de la Cour, mais aussi la duplicité britannique, prévoirait que la CPI ne pourra engager aucune enquête ou poursuite concernant des responsables ou des personnels d’un État contributeur à une opération de maintien de la paix qui n’est pas partie au Statut de Rome, à raison d’actes ou d’omissions liés à des opérations établies ou autorisées par l’Organisation des Nations Unies.

La FIDH rappelle qu’une telle disposition générique avait été proposée avec succès par les USA en 2002 et 2003 pour un an renouvelable, puis mise en échec en 2004. Les positions de la France et de l’Allemagne, qui dès 2003 ont décidé de s’abstenir sur ce texte, ont été déterminantes pour le rejet de la proposition en 2004.

Il serait hautement contradictoire et inacceptable que les Etats à la fois parties au Statut de la CPI et membres du Conseil de sécurité, et en particulier la France en tant que promotrice de la saisine de la CPI sur le Darfour, cèdent à pareil chantage, quel que soit par ailleurs le bien fondé de leur initiative concernant le Darfour.

La FIDH souligne enfin l’indécence de ces tractations qui ont lieu au moment où est publié un rapport de l’ONU qui souligne les insuffisances de la répression des abus sexuels commises par le personnel des opérations de maintien de la paix des Nations Unies[3].

Alors que le Conseil de sécurité devrait se prononcer le 30 mars prochain sur ces propositions, la FIDH appelle les Etats membres du Conseil à :

1. Rejeter avec force le marchandage proposé par le Royaume Uni et les Etats-Unis, la justice pour les victimes du Darfour ne pouvant se payer au prix de l’impunité.
2. Exiger que tout débat sur la responsabilité des membres d’opérations de maintien de la paix, y compris de ressortissants d’Etats non parties à la CPI, soit l’objet d’un débat dissocié de l’examen de toute situation particulière, et fasse l’objet d’un débat ouvert à tous les Etats membres de l’ONU.
3. Se prononcer le plus largement possible en faveur de la saisine de la CPI sur le Darfour, y compris en contribuant au financement de celle-ci conformément à l’article 115 du Statut de la CPI.

[1] Voir notre note de position du 14 février 2005 : Darfour : l’exigence de justice, http://www.fidh.org/article.php3?id_article=2219

[2] Communiqué de presse de la FIDH 17/09/2004, Le Conseil de sécurité doit saisir la Cour pénale internationale de la situation au Darfour http://www.fidh.org/article.php3?id_article=1908

[3] Voir le document A/59/710, http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/59/710

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