Ce n’est pas la justice mais la commission continuelle de crimes et l’impunité qui mettent en danger la paix

La FIDH se félicite du rapport présenté aujourd’hui par le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) devant le Conseil de sécurité des Nations unies, sur les derniers développements de son enquête relative à la situation au Darfour, Soudan. La FIDH souligne l’importance de la justice dans l’établissement d’une paix durable, condamne les attaques à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et soutient l’appel du Procureur pour la mise en place de sanctions ciblées à l’encontre des individus qui bloquent son enquête.

Dans son rapport, le Procureur rappelle sa demande aux juges de la CPI qu’un mandat d’arrêt soit émis à l’encontre du Président du Soudan Omar al Bashir. Le rapport s’étend sur l’implication personnelle du Président Al Bashir dans l’élaboration et l’exécution d’un plan conçu pour attaquer les populations civiles au Darfour. "Les événements qui ont eu lieu au Darfour, notamment l’échelle à laquelle ils se sont produits et leur caractère systématique et organisé, n’auraient pas pu se produire sans son accord et sa volonté.", a insisté le Procureur. "Il s’assure que tous les éléments du Gouvernement du Soudan, des forces armées et des milices/Janjaouid travaillent de concert (...) Plutôt que de demander des enquêtes et de punir les auteurs du génocide, le Président Al Bashir dissimule les crimes".

Le rapport réitère de la même manière, la demande de mandats d’arrêt à l’encontre des trois commandants rebelles présumés responsables de l’attaque contre les forces de maintien de la paix de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS), qui a eu lieu à Haskanita en septembre 2007. La FIDH souligne qu’une attaque contre les soldats du maintien de la paix constitue clairement une attaque contre la population civile que ces forces ont pour mandat de protéger.

Enfin, le Procureur a souligné que la commission de crimes au Darfour se poursuivait, situation confirmée par la FIDH. "La situation est absolument dramatique : les civils, aussi bien que les soldats du maintien de la paix et le personnel humanitaire continuent d’être la cible d’attaques," a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. "Le Conseil de sécurité doit réagir à ce rapport en soutenant entièrement les actions de la CPI, mais également, comme l’a suggéré le Procureur de la CPI, en envisageant d’imposer des sanctions."

Ce rapport est rendu public dans un contexte où le président Al Bashir déploie tous ses efforts pour obtenir une suspension de l’enquête de la CPI au Darfour, sous le prétexte que les actions de la CPI pourraient menacer la paix et la sécurité dans la région et le Soudan pourrait initier des procédures à l’échelle nationale pour poursuivre les personnes responsables de ces crimes. Cependant, le rapport du Procureur confirme les conclusions d’autres organisations selon lesquelles rien de cela n’est vrai : c’est la commission des crimes, et non la CPI, qui met en danger la paix et la sécurité ; de plus, le gouvernement du Soudan n’a fait jusqu’à présent aucun effort pour mettre les responsables des crimes commis au Darfour devant leurs responsabilités [1]
. Comme l’a fait remarquer le Procureur, deux mandats d’arrêt de la CPI ont été émis en avril 2007 et leur exécution par le gouvernement soudanais est toujours attendue.

La FIDH souligne la condamnation par le Procureur des attaques contre les défenseurs des droits de l’Homme et les individus présumés avoir collaboré avec la CPI. Nous déplorons cette nouvelle tactique du gouvernement, qui est utilisée comme prétexte pour continuer sa répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme. Ceci démontre manifestement non seulement que le Soudan n’a aucune volonté de poursuivre les responsables de crimes de la compétence de la CPI, mais également qu’il est prêt à violer les droits de l’Homme les plus fondamentaux dans l’espoir de semer encore plus d’obstacles à l’enquête de la CPI.

La FIDH recommande au Conseil de Sécurité de :
 continuer à soutenir les actions de la CPI relatives à la situation qu’il a déférée à la Cour, notamment en ne tenant pas compte de l’appel du gouvernement soudanais à un report de l’enquête au titre de l’article 16 du Statut de Rome ;
 voter une résolution prenant en compte le rapport du Procureur, affirmant son soutien à ses activités, et appelant à l’exécution immédiate des mandats d’arrêt en suspens ;
 considérer la mise en place de sanctions pour restreindre les possibilités de déplacement et geler les avoirs des individus, groupes ou organisations qui aident les accusés à continuer de se soustraire à la justice ;
 condamner le harcèlement et la violence physique perpétrés contre les défenseurs des droits de l’Homme et les individus présumés avoir collaboré avec la CPI.

CONTEXTE

Le conflit meurtrier opposant le gouvernement soudanais, basé à Khartoum, et les mouvements rebelles cherchant un partage du pouvoir ravage le Darfour depuis cinq ans. En mars 2005, le Conseil de sécurité des Nations unies a déféré la situation à la CPI par sa résolution 1593. En avril 2007, la CPI a émis des mandats d’arrêt à l’encontre d’Ahmad Harun, ancien ministre de l’Intérieur et ministre actuel des Affaires humanitaires, et de Ali Kushayb, leader présumé d’une milice Janjaouid. A ce jour, le gouvernement soudanais a non seulement échoué dans l’arrestation de ces deux personnes, mais a en outre pris des mesures pour les protéger. En effet, le Soudan a refusé de manière répétée et intransigeante toute coopération avec la CPI, malgré son obligation de le faire, au titre de la résolution 1593.

Suite au rapport du Procureur devant le Conseil de sécurité en juin 2008, le Conseil a prononcé une déclaration présidentielle rappelant que "le Gouvernement du Soudan et toutes les autres parties au conflit au Darfour doivent coopérer pleinement avec la CPI et le Procureur, et leur apporter toute l’assistance nécessaire".

Le Procureur présente un rapport au Conseil de sécurité tous les six mois depuis que ce dernier a déféré la situation du Darfour à la CPI. Le rapport d’aujourd’hui est le premier depuis que le Procureur a demandé l’émission d’un mandat d’arrêt contre le président Omar al Bashir en juillet 2008.

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