Résolution urgente sur la Situation au Soudan du Sud

27/08/2016
Déclaration
en es fr

Présentée par Foundation for human rights initiative (FHRI), Sudan Human Rights Organisation (SHRO), Kenya Human Rights Commission (KHRC)

FIDH, réunion à l’occasion de son 39ème congrès à Johannesburg, Afrique du Sud

Préoccupée par la situation sécuritaire et l’impasse politique en cours au Soudan du Sud exacerbées par la persistance d’un climat de défiance entre les parties au conflit ; et alertant sur l’existence d’importantes menaces quant à la reprise du conflit armé dans le pays ;

Préoccupée par les combats qui se sont produits dans la capitale Juba, du 8 au 11 juillet 2016 ayant entrainé la mort de près de 300 personnes et au déplacement forcé d’environs 80 000. Condamnant fermement les violations et atteintes aux droits humains commises contre les populations civiles au cours et à la suite de ces combats, notamment les rapports indiquant que certains groupes ont été empêchés par les soldats de l’Armée de Libération du Peuple du Soudan (Soudan People’s Liberation Army – SPLA) de se réfugier dans les bases des Nations Unies. Alarmée en particulier par les rapports de viols commis sur des femmes et des jeunes filles et par les autres formes de violences sexuelles et à caractère sexiste qui auraient été commises par des militaires en uniforme et des hommes armés en tenue civile, notamment à l’extérieur de l’enceinte des sites de Protection des Civils des Nations Unies (PdC) ;

Rappelant l’Accord sur la Résolution du conflit en République du Soudan du Sud (ARCSS) conclu en août 2015 entre le gouvernement du Soudan du Sud et le Mouvement de libération du peuple au Soudan dans l’Opposition (Sudan People’s Liberation Movement in Opposition – SPLM-IO), dans lequel les deux parties ont convenu, inter alia, de déclarer un cessez-le-feu définitif s’appliquant à toutes les forces sous leur contrôle, de former un gouvernement d’Unité Nationale de Transition (TGoNU) et d’organiser des élections nationales, de garantir l’acheminement de l’assistance humanitaire, de réformer les secteurs économique et sécuritaire, et d’établir des mécanismes de justice transitionnelle, y compris une Cour Hybride pour le Soudan du Sud et une Commission pour la Vérité, la Réconciliation, et la Guérison ;

Profondément préoccupée par le fait qu’en dépit de la signature de l’ARCSS, et de la création subséquente du TGoNU, les parties et leurs milices affiliées ont constamment violé le cessez-le-feu définitif et continué de commettre des violations et atteintes graves et généralisées aux droits humains contre les populations civiles dans plusieurs parties du pays, notamment des meurtres, des violences sexuelles et sexistes, et des destructions de propriétés privées ;

Alarmée par des informations corroborées indiquant que le gouvernement du Soudan du Sud et le SPLM/A dans l’opposition ont continué à acquérir des armes et des équipements militaires, y compris après la signature de l’ARCSS, suggérant que les deux parties pourraient recourir à une solution militaire à défaut de politique pour résoudre leurs différends ;

Prenant note de la décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies visant à déployer une force régionale au Soudan du Sud mandatée pour « combattre rapidement et efficacement tout acteur qui, selon des informations crédibles, prépare ou mène des attaques contre des agents des Nations Unies qui assurent la protection des sites civils, d’autres locaux des Nations Unies, du personnel des Nations Unies, des intervenants humanitaires internationaux et nationaux, ou des civils » ;

Préoccupée par la répression des journalistes et des défenseurs des droits humains, qui s’est accrue depuis la signature de l’ARCSS et les a empêchés de surveiller et de dénoncer la dégradation continue de la situation des droits humains. Condamnant l’assassinat d’au moins sept journalistes en 2015, l’arrestation et la détention arbitraire de plus de 10 défenseurs des droits humains depuis la création du TGoNU en avril 2016, et l’ordre qu’un certain nombre de journaux ont reçu de cesser leurs activités.

Rappelant qu’à la suite de l’éclatement du conflit, mi-décembre 2013, entre les forces gouvernementales, les forces de l’opposition et les milices armées au Soudan du Sud, les populations civiles ont été les victimes de crimes graves, notamment de meurtres, actes de torture, viols et autres formes de violences sexuelles et sexistes, disparitions forcées, enrôlement forcé d’enfants soldats, déplacements forcés, pillages, que l’accès à l’assistance humanitaire est toujours entravé et que le personnel et les biens humanitaires sont attaqués à répétition ;

Rappelant que la Commission d’enquête de l’Union Africaine (CoI) au Soudan du Sud a conclu que ces crimes relevaient de la qualification de crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; Rappelant que la CoI a recommandé la mise en place de mécanismes d’établissement des responsabilités, y compris d’un mécanisme judiciaire hybride pour que les responsables soient jugés, ainsi qu’une Commission Vérité et Réconciliation. Rappelant en outre que ces crimes sont punis par le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (CPI). Préoccupée par l’absence de mise en place d’un processus significatif, par les autorités du Soudan du Sud, pour identifier les responsables de ces crimes et qu’ils répondent de leurs actes.

Préoccupée par la situation humanitaire désastreuse au Soudan du Sud, qui s’est aggravée après les récents combats. Rappelant en particulier que, d’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), au 7 août 2016, environ 933 506 civils se sont réfugiés dans les pays voisins, notamment en Ethiopie, en Ouganda, au Soudan, au Kenya, en République Centrafricaine et en République Démocratique du Congo ; et que 1,61 million de personnes sont toujours déplacées. Préoccupée de l’évaluation par l’ONU indiquant que le nombre total de réfugiés Sud Soudanais dans les pays voisins pourrait atteindre près d’un million de personnes à la fin de l’année 2016.

FIDH, réunion à l’occasion de son 39ème congrès à Johannesburg, Afrique du Sud

Exhorte les parties opposées et leurs milices affiliées de :

Se conformer au cessez-le-feu définitif prévu par l’ARCSS ;

Cesser immédiatement toute violation des droits humains internationaux et du droit humanitaire, notamment les meurtres, les disparitions forcées, les violences sexuelles et sexistes, les pillages, les destructions de propriété, et le recrutement d’enfants soldats ;

Autoriser sans restriction l’accès à l’aide humanitaire indépendante et la surveillance des droits humains, de fournir une assistance humanitaire aux populations civiles affectées par le conflit et une protection aux civils en danger ;

Exhorte le Gouvernement d’Unité Nationale de Transition de :

Garantir la protection des civils contres les violations du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire ; garantir en particulier la protection des personnes déplacées internes ;

Créer un environnement propice à la livraison de l’aide humanitaire, et assurer la sécurité du personnel humanitaire ;

Entreprendre des enquêtes rapides, impartiales, indépendantes et efficaces sur les violations présumées du droit international des droits de l’Homme et du droit humanitaire et assurer que les responsables de ces crimes seront jugés conformément aux standards du droit international des droits de l’Homme et du droit international pénal ;

Procéder à la mise en œuvre rapide et effective des mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par l’ARCSS, notamment de la Cour Hybride pour le Soudan du Sud, conformément aux standards du droit international des droits de l’homme et du droit international pénal ;

Ratifier le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale et envisager de procéder à la déclaration prévue par l’article 12 (3) du Statut donnant juridiction à la CPI pour juger les crimes qui ont été commis depuis le début de la crise en Décembre 2013 ;

Mettre immédiatement fin au harcèlement, y compris judiciaire, contre les journalistes et défenseurs des droits humains ; procéder à la libération immédiate de ceux arbitrairement détenus ; entreprendre des enquêtes rapides, impartiales, indépendantes et efficaces s’agissant de ceux qui ont été assassinés et veiller à ce que les auteurs soient traduits en justice conformément aux standards du droit international des droits de l’Homme ;

Achever dans les plus brefs délais le processus de ratification des traités régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme, notamment du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, du Protocole relatif à la Charte africaine portant création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, et de procéder à la déclaration prévue à l’article 34.6 de ce protocole prévoyant un accès direct à la Cour pour les individus et ONGs ; et la Convention contre la torture des Nations Unies.

Appelle le Conseil de Sécurité des Nations Unies à :

Soutenir l’établissement rapide et effectif des mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par l’ARCSS, notamment de la Cour Hybride pour le Soudan du Sud, et la Guérison dans le respect des droits de l’Homme et du droit international pénal ;

Envisager l’adoption d’autres sanctions ciblées contre les individus se livrant à des actions menaçant la paix et la sécurité au Soudan du Sud ;

Prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que la MINUSS respecte efficacement son mandat de protection des populations civiles ;

Imposer un embargo sur les armes pour mettre un terme à la fourniture d’armes, de munitions et autres équipements et technologie militaires, et à l’assistance militaire fournie aux individus et aux groupes responsables des crimes internationaux commis au Soudan du Sud.

Appelle l’Union Africaine à :

Soutenir la mise en place rapide et effective des mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par l’ARCSS, notamment de la Cour Hybride pour le Soudan du Sud et de la Commission pour la Vérité, la Réconciliation et la Guérison, conformément aux standards du droit international des droits de l’Homme et du droit international pénal ;

Envisager d’adopter des sanctions ciblées contres les personnes commettant des actions menaçant la paix et la sécurité au Soudan du Sud ;

Soutenir l’établissement d’un embargo sur les armes pour mettre fin à la fourniture, la vente, le transfert, l’entretien et l’exploitation de toutes les armes, munitions et autres équipements et technologies militaires, et sur l’assistance militaire fournie aux individus et aux groupes responsables des crimes internationaux perpétrés au Soudan du Sud ;

Appelle l’IGAD et la Communauté économique d’Afrique de l’est à :

Soutenir la mise en place rapide et effective des mécanismes d’établissement des responsabilités prévus par l’ARCSS, notamment de la Cour Hybride pour le Soudan du Sud et de la Commission pour la Vérité, la Réconciliation et la Guérison, conformément aux standards du droit international des droits de l’Homme et du droit international pénal ;

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