24 juin 2025. Au Sénégal, l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste est toujours illégal et pénalisé. Cela conduit les femmes et filles à réaliser des avortements clandestins, souvent effectués sans encadrement médical, dans des conditions insalubres et dangereuses, augmentant considérablement les risques de problèmes de santé, voire de décès. Les avortements clandestins sont la cinquième cause de décès maternel et à l’origine de 50 % des admissions en urgence dans les maternités. Les victimes de viol subissent une violence physique et psychologique extrême ; leur imposer de mener à terme une grossesse non désirée constitue une double peine.
Pourtant, depuis plus de 20 ans, le Sénégal a ratifié le Protocole de Maputo prévoyant la légalisation de l’avortement dans certaines conditions, dont le viol et l’inceste (article 14). Nier ce droit, c’est infliger à ces femmes et filles une violence supplémentaire : les contraindre à mener une grossesse issue d’un viol, au mépris de leur santé, de leur dignité et du respect de leurs droits fondamentaux. En effet, selon les Observations générales du Protocole de Maputo, contraindre une femme à garder une grossesse issue d’un viol « constitue un traumatisme supplémentaire de nature à affecter sa santé physique et mentale (…) la santé doit être interprétée selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à savoir : ’un état complet de bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité’ » [1]. Par ailleurs, l’impossibilité d’avorter dans des conditions sécurisées viole une série de droits fondamentaux des femmes et des filles : le droit à la vie, le droit au meilleur état de santé physique et mentale possible et le droit de ne pas être soumis·e à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [2].
La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) publie une note technique (Policy Brief) montrant les changements législatifs survenus dans différents pays suite à la ratification du Protocole de Maputo pour légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en cas de viol et d’inceste. Elle met en avant les mécanismes nationaux efficaces et les recommandations régionales et internationales pouvant servir d’exemple pour de futures réformes législatives dans d’autres États, notamment au Sénégal.
Ce document expose une question fondamentale sur le sujet : la question de la preuve du viol. Plusieurs pays ont légalisé l’avortement en cas de viol ou d’inceste en l’autorisant suite à une déclaration de la victime de l’acte criminel, sans autre autorisation supplémentaire, qu’elle soit judiciaire ou médicale. En raison des difficultés psychologiques, sociales, économiques ou logistiques à porter plainte, à se rendre dans des établissements juridiques ou de santé, et afin d’éviter de créer de nouveaux traumatismes, cette mesure assure un accès effectif à l’avortement en cas de viol ou d’inceste pour toutes les femmes et les filles.
D’autre part, l’analyse législative des États montre un autre enjeu principal : l’accès à l’avortement médicalisé pour les mineures victimes de viol ou d’inceste. En plus du traumatisme lié à l’agression, leur jeune âge les expose à des risques de santé mettant particulièrement leur vie en danger [3]. Face à cette situation préoccupante, des États ont modifié leurs législations rendant automatique l’accès à l’avortement pour les mineures, sans mesure supplémentaire du fait de leur âge, et sans consentement des parents. Enfin, ce policy brief recense d’autres mesures existantes pour garantir un accès effectif à l’avortement en cas de viol ou d’inceste.
Face à cet enjeu de santé public majeur et de respect des droits fondamentaux des femmes et des filles, la FIDH et ses organisations membres appellent les autorités sénégalaises à prendre des mesures immédiates et concrètes pour légaliser l’avortement en cas de viol et d’inceste, conformément à l’engagement du pays pour mettre en place l’article 14 du Protocole de Maputo.