Sénégal : Représailles suite à une lettre adressée par des défenseurs au SG de l’ONU

26/09/2012
Appel urgent

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Sénégal.

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par des sources fiables de la citation à comparaître adressée à MM. Seydi Gassama, directeur exécutif de la section sénégalaise d’Amnesty International, Alioune Tine, président de la Rencontre africaine des droits de l’Homme (RADDHO) et Assane Dioma Ndiaye, président de la Ligue sénégalaise des droits de l’Homme (LSDH).

Selon les informations reçues, le 21 septembre 2012, MM. Seydi Gassama, Alioune Tine et Assane Dioma Ndiaye se sont vus adresser une citation directe à comparaître devant le Tribunal correctionnel de Dakar le 2 octobre 2012 par M. Harona Sy, commissaire de police et actuel conseiller technique du ministre de l’Intérieur du Sénégal. M. Sy accuse les trois défenseurs de « dénonciations calomnieuses » pour avoir exprimé auprès des Nations unies leur préoccupation au sujet de sa possible nomination pour diriger le programme de réforme et de restructuration des services de police au Darfour[1]. Dans une lettre envoyée à M. Ban Ki Moon, secrétaire général de l’ONU, le 16 août 2012, les organisations sénégalaises de défense des droits de l’Homme ont en effet attiré l’attention de ce dernier sur les soupçons pesant sur M. Harona Sy quant à son éventuelle responsabilité dans la répression policière, début 2012, de manifestants qui s’opposaient pacifiquement à un troisième mandat de l’ancien Président de la République du Sénégal, M. Abdoulaye Wade – répression qui aurait entraîné la mort de six personnes, 150 blessés, ainsi que des arrestations arbitraires et des actes de torture.

M. Harona Sy ayant accusé les trois défenseurs des droits de l’Homme au titre de l’article 362 du Code pénal sénégalais (« Calomnies, injures, révélation de secrets »), ceux-ci encourent des peines d’emprisonnement pouvant aller de six mois à cinq ans, ainsi qu’une amende de 50 000 à 500 000 Francs CFA (de 75 à 750 euros environ).

Ces accusations de dénonciations calomnieuses sont d’autant plus surprenantes puisque deux procédures visant nommément M. Arona Sy sont aujourd’hui pendantes devant le 1er Cabinet d’instruction près le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar.

L’Observatoire dénonce vivement cet acte de harcèlement judiciaire à l’encontre de MM. Gassama, Tine et Dioma Ndiaye, dans la mesure où il ne vise qu’à les dé-crédibiliser, à les intimider et à sanctionner leurs activités légitimes de défense des droits de l’Homme. L’Observatoire appelle les autorités sénégalaises à mettre un terme à toute forme de harcèlement judiciaire contre ceux-ci et, plus généralement, contre l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Sénégal, et de s’assurer qu’ils puissent exercer leurs activités librement et sans entraves.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités sénégalaises en leur demandant de :

i. Mettre un terme à toute forme de harcèlement – y compris judiciaire – à l’encontre de MM. Seydi Gassama, Alioune Tine et Assane Dioma et, plus généralement, à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme au Sénégal, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

ii.Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Seydi Gassama, Alioune Tine et Assane Dioma Ndiaye, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme au Sénégal ;

iii. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :
 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;
 son article 5, qui prévoit que "afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international : a) de se réunir et de se rassembler pacifiquement ; b) de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer” ;
 son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres : a) de détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l’information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales ; c) d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question” ;
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration.”

iv. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Sénégal.

Adresses :

· M. Macky Sall, Président de la République. Palais présidentiel, Avenue Leopold Sedar Senghor, BP 4026, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 890 90 90. Fax : + 221 823 28 40 / + 221 821 86 60.
· M. Abdoul Mbaye, Premier ministre, Cabinet du premier ministre, Bâtiment administratif BP 4029, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 889 69 13 / 849 18 02 / 889 69 69 ; Fax : + 221 823 44 79.
· M. Alioune Badara Cissé, Ministre d’Etat, Ministère des Affaires étrangères : Place de l’indépendance, BP 4044, Dakar, Sénégal. Tél. : + 221 33 823 53 42 / 889 13 00 / 823 53 42 / 823 13 18 ; Fax : + 221 823 54 96 / 823 84 88.
· Mme Aminata Touré, Ministre d’Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Bâtiment Administratif BP 4030, Dakar, Sénégal. Tel : + 221 849 72 16 / 849 76 28 / 849 70 00 / 823 50 24 / Fax : + 221 823 27 27.
· M. Mbaye Ndiaye, Ministre d’Etat, Ministre de l’Intérieur ; Pl. Washington - Bd de la République BP 4002 ; Dakar, Sénégal. Tel : + 221 842 67 86 / 889 91 03 / 889 91 00 / Fax : + 221 821 05 42.
· Mission permanente du Sénégal auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 93 rue de la Servette, 1202 Genève, Suisse, Fax : +41 22 740 07 11 ; Email : mission.senegal@ties.itu.int
· Ambassade du Sénégal à Bruxelles, 196 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 673 00 97, Fax : + 32 2 675 04 60

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Sénégal dans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 26 septembre 2012

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de l’OMCT et de la FIDH, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Le recrutement pour diriger le programme destiné à la Réforme et à la Restructuration des services de police de la région du Darfour est effectué par la mission hybride Nations Unies-Union africaine au Darfour (MINUAD) dans le cadre d’un appel d’offre.

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