« Après les coups de force constitutionnels opérés au Burundi et en République du Congo, la question du respect des principes démocratiques et de l’alternance politique se pose désormais au Rwanda. La communauté internationale doit dénoncer et prendre des mesures fermes et concrètes contre ces chefs d’État qui cherchent à se maintenir indéfiniment au pouvoir. »
L’article 101, remanié par les députés rwandais, stipule que le président de la République est « élu pour un mandat de cinq ans et ne peut être réélu qu’une seule fois », alors que la Constitution actuellement en vigueur prévoit deux mandats présidentiels de 7 ans. L’article 172 ajoute à cela la possibilité pour Paul Kagame, ou tout autre candidat élu, de briguer un mandat de 7 ans, avant d’être élu ou réélu pour les deux mandats de 5 ans prévus dans l’article 101. En 2017, Paul Kagame pourrait donc présider le Rwanda pendant encore 17 ans. Le projet de constitution doit être maintenant approuvé par le Sénat puis par référendum ce qui ne semble pas poser de problème au pouvoir en place comme le démontrent le processus ayant initié ce projet.
En effet, selon Paul Kagame, le processus de modification de la Constitution émaneraient d’une initiative populaire réclamant son maintien au pouvoir. Des pétitions, qui expriment le souhait de voir le président Kagame reconduit à la tête de l’État, auraient été signées par plus de 3,7 millions de rwandais, soit plus de la moitié du corps électoral. D’après nos informations, l’authenticité de cette initiative est contestable tant le FPR – Front patriotique rwandais, parti au pouvoir depuis 1994 dont les membres sont à la tête de presque toutes les structures et institutions administratives tant publiques que privés – et surtout l’exécutif auraient en grande partie orchestré ce mouvement pour lui donner les apparences de la légitimité populaire.
Ce projet de réforme constitutionnel initié par un mouvement présenté comme populaire apparaît d’autant plus contestable qu’il s’inscrit dans un climat politique tendu au Rwanda où les partis politiques d’opposition ont été très largement réduits au silence et toute voix indépendante ou contestataire est réprimée. Ainsi, les journalistes, les organisations indépendantes de la société civile telles que la LIPRODHOR ou la LGDL et des artistes tel que Kizito Mihigo ont fait l’objet de pressions, de tentative de contrôle, voire de condamnations judiciaires dénoncées par les mécanismes en charge des droits humains et de la liberté d’association des Nations unies, l’Union africaine et des organisations internationales de défense des droits humains et de défense des journalistes. Dernièrement, sept membres du Comité directeur de la Ligue des Droits de la Personne dans la région des Grands Lacs (LDGL) ont par exemple été arrêtés lors d’une réunion organisée dans les locaux de la LDGL à Kabeza, district de Kicukiro, ville de Kigali, le 13 octobre 2015.