Lors du génocide perpétré à l’encontre des Tutsis au Rwanda, en 1994, Félicien Kabuga, un homme d’affaires millionnaire impliqué dans la création de la tristement célèbre Radio Télévision Libre des Mille Collines, est accusé d’avoir procuré une aide financière et logistique qui aurait permis à divers groupes politiques et milices de perpétrer le génocide. Il était le fugitif le plus haut placé recherché par le TPIR, et a pu échapper à une arrestation pendant plus de 23 ans.
« Son arrestation signifie pour les victimes du génocide qu’elles peuvent enfin espérer que Monsieur Kabuga affrontera la justice pour les crimes dont il est accusé. Dans la mesure où les victimes ont attendu ce procès pendant plus de deux décennies, il est essentiel qu’il soit traduit rapidement en justice et que les droits des victimes soient respectés. Les biens de Monsieur Kabuga qui ont été saisis devront être utilisés pour les réparations », a déclaré Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH.
Pourquoi et quand il est arrivé en France n’est pas encore clair. Selon les autorités françaises, il aurait vécu sous une fausse identité dans ce qui a été décrit comme une entreprise sophistiquée visant à maintenir sa clandestinité, incluant l’aide de ses enfants. Il a fui le Rwanda en juin 1994 pour demander l’asile en Suisse, d’où il a été expulsé la même année, et a ensuite vécu plusieurs années en clandestinité à Nairobi, au Kenya. Alors que sa présence au Kenya était connue de tous, amenant à de multiples tentatives pour l’arrêter, il a utilisé sa fortune pour se protéger d’une éventuelle arrestation, et ce malgré la récompense de 5 millions de dollars émise par le département américain des affaires étrangères en échange de son arrestation. Il aurait également séjourné en Allemagne, en Belgique et en République démocratique du Congo pendant sa fuite.
Plusieurs services de police nationaux et internationaux ont été impliqués dans son arrestation le 16 mai, soulignant ainsi l’importance de la coopération et collaboration interétatique pour arrêter de tels fugitifs et les traduire en justice.
« L’arrestation de Félicien Kabuga démontre la capacité de la justice à rattraper les fugitifs visés par la justice internationale, même de longues années après les faits. Cela pose aussi de nombreuses questions sur les raisons qui ont rendu possible sa fuite pendant plus de deux décennies, et son installation en France où il a résidé sans être inquiété. Nous appelons les autorités françaises à ouvrir une enquête pour que des réponses puissent être apportées », a déclaré Michel Tubiana, Président d’honneur de la LDH.
Monsieur Kabuga étant l’un des principaux fugitifs recherchés par le TPIR, les autorités françaises vont sûrement procéder à son transfert vers le Mécanisme résiduel des Nations Unies appelé à exercer les fonctions résiduelles pour les Tribunaux pénaux internationaux (MIFRTP), établi pour poursuivre notamment le mandat du TPIR, qui a fermé ses portes en 2015. Le Mécanisme a déclaré entendre juger Monsieur Kabuga à la Haye. Si, au cours de précédentes affaires, le gouvernement rwandais avait demandé la remise d’accusés devant le TPIR et le MIFRTP pour qu’ils soient jugés au Rwanda, aucune demande similaire n’a pour l’instant été formulée s’agissant de Monsieur Kabuga. Les autorités rwandaises ont pour le moment, déclaré qu’elles coopéreraient avec le Mécanisme pour s’assurer que justice soit rendue.
Contexte
En réponse au génocide de 1994 commis contre les Tutsis au Rwanda, la communauté internationale a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda, pour poursuivre et juger les plus hauts responsables de crime de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis en 1994 au Rwanda. Le TPIR a fermé ses portes en 2015 après avoir traduit 80 accusés en justice. Il a été remplacé par le Mécanisme résiduel des Nations Unies appelé à exercer les fonctions résiduelles pour les Tribunaux pénaux internationaux (MIFRTP).
En parallèle des procès menés devant le TPIR, des centaines de milliers de personnes accusées d’avoir participé au génocide ont été jugées devant les juridictions gacaca au Rwanda. De nombreux accusés ayant fui le Rwanda ont également été poursuivis devant des juridictions européennes ainsi qu’au Canada, en vertu de la compétence extraterritoriale. La FIDH et la LDH ont activement soutenu et participé aux procédures engagées devant les juridictions françaises qui ont, jusqu’à présent, abouti à la condamnation de trois accusés. Vingt-neuf affaires sont encore au stade de l’instruction en France.
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