« Après avoir muselé toutes les voix contestataires de son régime, Paul Kagame poursuit la mise sous tutelle de la démocratie rwandaise en cherchant à réviser la Constitution pour se maintenir au pouvoir 17 années de plus. Rien ne peut justifier qu’un président s’affranchisse des règles du jeu démocratique et la communauté internationale, et en premier lieu l’Union africaine, doit unanimement condamner cette tentative de passage en force »
Les 26 sénateurs rwandais ont adopté unanimement le 17 novembre dernier un projet de Constitution dont l’article 101 fait passer la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, tout en maintenant la limite de deux mandats. Toutefois, l’article 172 précise que la réforme de l’article 101 n’entrera en vigueur qu’à l’issue d’un nouveau septennat, entre 2017 et 2024, pour lequel le président Paul Kagame est éligible. Il est également autorisé, à partir de 2024, à briguer les deux mandats de cinq ans prévus par l’article 101 remanié. En tout, Paul Kagame pourrait donc à partir de 2017, cumuler 3 nouveaux mandats, soit 17 années d’exercice, et se maintenir au pouvoir plus de 34 ans. Une cinquantaine d’articles amendés par les sénateurs – sans lien avec les mandats présidentiels – seront prochainement réexaminés par la Chambre des députés. Une fois adopté dans son ensemble, le nouveau texte constitutionnel sera soumis à un référendum.
Le Sénat, tout comme Paul Kagame, affirment que cette révision constitutionnelle est un « reflet de la démocratie" [1] car elle émanerait d’une initiative populaire réclamant le maintien au pouvoir de l’actuel président. Des pétitions, qui expriment le souhait de voir le président Kagame reconduit à la tête de l’État, auraient été signées par plus de 3,7 millions de rwandais, soit plus de la moitié du corps électoral. D’après des informations concordantes, l’authenticité de cette initiative et de ces pétitions sont contestables, en raison du fait que les autorités et le FPR – Front patriotique rwandais, parti au pouvoir depuis 1994 – auraient en grande partie orchestré ce mouvement, notamment la signature massive de pétitions, pour lui donner les apparences de la légitimité populaire, dans un pays où les partis politiques d’opposition ont été très largement réduits au silence et où toute voix indépendante ou contestataire est réprimée.