Constituées parties civiles depuis 2006 dans l’information judiciaire en cours, nos associations n’ont cessé de fournir aux différents juges saisis des observations et notes de nature à faire avancer la manifestation de la vérité.
« Aujourd’hui et s’agissant en particulier des faits survenus dans les collines de Bisesero dans les derniers jours du mois de juin 1994 où plusieurs centaines de civils tutsis ont péri ou ont été blessés sous les coups de militaires de l’armée rwandaise et de miliciens, nous demandons aux juges saisis de mieux qualifier les responsabilités des militaires français alors présents. »
Certains éléments des forces spéciales françaises ayant pour mandat exprès de faire cesser les massacres, même au moyen de la force, étaient stationnés à environ cinq kilomètres à vol d’oiseau de la scène de crimes dans la commune de Gishyita et disposaient d’informations, de moyens d’observations, de moyens de communication et des moyens matériels qui auraient dû permettre une intervention immédiate et salvatrice. Tel n’a pas été le cas.
L’enquête a en effet révélé que la hiérarchie militaire disposait d’informations crédibles et suffisantes dès l’après-midi du 27 juin 1994.
Pourtant, et alors que les éléments de la procédure démontrent qu’ils ne pouvaient l’ignorer, les deux officiers supérieurs entendus par les juges soutiennent encore ne pas avoir été informés, entre les 27 et 30 juin 1994, de la réalité des massacres en cours sur les populations civiles tutsis.
Les massacres dureront jusqu’au 30 juin, date à laquelle l’armée française « découvrira » les cadavres et les survivants dans des conditions qui restent à éclaircir. En effet, non seulement aucun document de la procédure ne fait état d’un ordre de mission émanant de l’état-major des armées ou du commandant de la force Turquoise pour intervenir à Bisesero et mettre fin aux massacres, mais surtout des militaires entendus dans la procédure font valoir que c’est en désobéissant aux ordres et en se rendant de leur propre initiative dans ces collines qu’ils ont pu sauver les derniers survivants.
Les deux officiers supérieurs impliqués, responsables des opérations sur le terrain à l’époque des faits, ont été placés sous le statut de témoins assistés, qui paraît pour le moins inapproprié. Les éléments actuellement au dossier font au contraire présumer qu’existent contre eux des indices graves ou concordants de nature à justifier une mise en examen.
Au regard des avancées de l’instruction, il apparaît aujourd’hui nécessaire d’engager des responsabilités pénales concrètes, car l’abstention d’intervenir du 27 au 30 juin 1994, en ce qu’elle a permis de faciliter la préparation et la consommation du crime, peut juridiquement s’analyser en complicité de génocide par aide ou assistance.
Les parties civiles ont également déposé de nombreuses demandes d’actes qui visent en particulier à la transmission de documents militaires essentiels à la manifestation de la vérité et aux auditions de nombreux militaires et de nombreux journalistes présents au Rwanda en 1994 et jamais entendus.
Au delà des mises en examen demandées, la poursuite de l’instruction doit permettre de mieux comprendre la chaîne des responsabilités militaires et politiques.
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