Des informations concordantes font état d’irrégularités ayant entaché cette consultation populaire. Notamment, le temps imparti aux inscriptions sur les listes électorales ayant été très limité, un nombre important de citoyens n’ont pas pu jouir de leur droit de vote. En outre, les bureaux de vote étant limités à deux ou trois par secteur administratif, leur nombre s’est avéré insuffisant eu égard à la densité parfois très élevée de la population dans les villes et autres localités du milieu rural. En conséquence, les files d’attente des citoyens étaient encore longues dans certains bureaux de vote à l’heure de la clôture, et les responsables de ces bureaux n’ont pas été autorisés à prolonger les délais pour permettre le vote. Enfin, la Commission Nationale Electorale n’a accordé les accréditations pour l’observation du déroulement des élections qu’à la dernière minute entravant le travail des organisations avalisées.
La FIDH est également préoccupée par certaines dispositions de la nouvelle loi fondamentale. Si cette dernière consacre en droit le multipartisme, la Constitution a des allures de façade vertueuse face à la réalité des fortes restrictions aux libertés et principes démocratiques. La Constitution prévoit en effet d’intégrer tous les partis politiques dans un « forum de concertation », dont la finalité consensualiste ne peut occulter l’atteinte ainsi portée au pluralisme politique. D’après le président de la Commission constitutionnelle, le forum permettra " de contrôler [les partis] et de les rappeler à l’ordre en cas d’écart ".
Cet encadrement des partis politiques contrevient aux dispositions du Pacte international relatif au droit civil et politique ratifié par le Rwanda en 1975 sur la liberté de réunion et la liberté d’expression. La divergence d’opinion fait partie intégrante du jeu démocratique. Mais ce principe ne semble pas partagé par les autorités rwandaises, surtout dans la perspective rapprochée des élections. Sous le prétexte de la réconciliation nationale, le parti au pouvoir cherche à museler l’opposition. Ainsi, l’Assemblée nationale sur opinion de M. Protais Kabanda Mitari, vice-président et rapporteur de la Commission ad hoc chargée d’enquêter sur le Mouvement Démocratique Républicain (MDR), a demandé la dissolution du principal parti d’opposition considéré comme porteur d’une idéologie " divisionniste ". Sous le même chef d’accusation, l’ancien président rwandais Pasteur Bizimingu est incarcéré arbitrairement depuis avril 2002.
Les accusations de " divisionnisme " portées à l’encontre des partis politiques sont également dirigées contre les acteurs de la société civile. La Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’homme, LIPRODHOR, organisation affiliée à la FIDH, a ainsi été publiquement accusée par le Député Protais Kabanda Mitari rapporteur de ladite Commission de " collaboration avec le MDR power, la faction de KABANDA ".
La FIDH considère que ces faits contreviennent à l’expression libre et pluraliste des idées politiques tant qu’elles ne constituent pas à un " appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence " conformément au pacte sur les droits civils et politiques. De même, ces faits sont en contradiction avec la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1998.
Ainsi la FIDH recommande aux autorités nationales de se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de garantir dans les limites du droit international des droits de l’Homme les libertés d’expression et d’association essentielles à la consolidation d’un régime démocratique.
La FIDH recommande à la Commission électorale, dans la perspective des élections nationales, de laisser un temps suffisant pour l’inscription de la population sur les listes électorales, et d’accréditer suffisamment à l’avance les organisations désireuses de contrôler le processus électoral. Enfin, la FIDH recommande que le nombre de bureaux de vote soit augmenté dans les différents secteurs administratifs.