HUMAN RIGHTS WATCH ET LA FEDERATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME CONDAMNENT DES MASSACRES DE REFUGIES PAR DES INSURGES ARMES AU RWANDA

25/08/1997
Communiqué

Human Rights Watch et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) condamnent le massacre de 131 réfugiés par des insurgés armés au camp de Mudende, dans la préfecture de Gisenyi. Ce massacre a eu lieu juste avant l’aube le 22 août. Les réfugiés, pour la plupart des tutsi qui avaient fui le Congo au cours de l’année passée, étaient hébergés dans un camp non loin de la frontière congolaise. Les insurgés, dont plusieurs sont des soldats de l’ancienne armée rwandaise (FAR), ou des membres des milices qui avaient participé au génocide des rwandais tutsi en 1994, ont, d’après les informations disponibles, attaqué à partir du Congo, où certains d’entre eux ont établi leur base après que les camps aient été dispersés il y a quelques mois par les soldats de l’ADFL.

Les autorités de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) considèrent que des résidants locaux ont également participé aux tueries à Mudende, et auraient attaqué, ou permis à des civils tutsi de blesser ou de tuer certains de ces résidents et de brûler leurs maisons.

Le massacre de réfugiés perpétré par les insurgés est une atteinte intolérable aux droits de l’Homme.

Les représailles de l’APR ou des civils sur la population locale est également une violation du droit humanitaire international.

Le nombre et l’importance des attaques qui ont coûté la vie à des civils au Rwanda se sont multipliés dans les derniers mois. Le 7 août 1997, l’Opération pour les droits de l’Homme des Nations Unies sur le terrain a publié un rapport détaillé sur le massacre de plus de 2000 personnes, dont la plupart étaient des civils non armés tués par l’APR. Du 8 au 11 août 1997, des soldats de l’APR auraient tué plusieurs centaines de civils non armés, dont certains à l’aide de mortiers, au marché de Mahoko, tandis que d’autres étaient exécutés alors qu’ils étaient détenus dans des cachots communaux à Rubavu et à Kanama, tous dans la préfecture de Gisenyi. Des insurgés armés ont également tué des civils au cours de ces incidents des 8-11 août, et attaqué une école à Gisa le 10 août.

La plupart des attaques contre des civils ont eu lieu dans le Nord-Ouest du pays, mais les organisations internationales de défense des droits de l’Homme viennent également de recevoir une information relative à l’assassinat de 39 personnes à Muhazi à l’Est du Rwanda. Human Rights Watch et la FIDH déplorent le fait que les fournitures d’armes se poursuivent au profit de la région, dont la reprise récente des ventes d’armes au Gouvernement rwandais par l’Afrique du Sud. Ces fournitures exacerbent la situation et facilitent l’usage de la force létale contre les civils non armés.

Le général Paul Kagame, Vice-Président du Rwanda et ministre de la Défense, s’est rendu à Gisenyi pour se rendre compte des incidents des 8-11 août.

Le Gouvernement rwandais a arrêté plusieurs soldats, au nombre de 13 ou de 15 selon les informations reçues, y compris un lieutenant colonel, impliqués dans ces incidents.

RECOMMANDATIONS

Aux insurgés :

- Ordonner à vos troupes de cesser immédiatement les tueries de civils dans l’armée.

- Prendre les mesures appropriées pour punir les membres de vos forces qui commettent de telles tueries.

Au Gouvernement rwandais :

- Ordonner à l’APR de cesser les tueries et autres mesures de représailles contre les populations civiles. Empêcher toute attaque qui serait conduite par des civils tutsi.

- Mener une enquête rapide, complète et impartiale relativement à toutes les tueries de civils et publier les résultats de ces enquêtes.

- Continuer à arrêter et à juger aussi rapidement que possible tous ceux qui seraient impliqués dans les incidents.

- Garantir le libre accès des lieux aux observateurs des Nations Unies et des organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme, aux organisations humanitaires, et aux agents du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

- S’assurer que l’APR et les forces de police fournissent la protection nécessaire aux réfugiés et aux personnes déplacées.

A la communauté internationale :

- Faire pression de toutes les manières possibles sur les insurgés et sur le Gouvernement rwandais pour que les massacres de civils non armés cessent et pour obtenir l’observation du droit humanitaire international. Soumettre l’assistance financière ou autre à la condition que les tueries cessent.

Aux Nations Unies :

- Réanimer la Commission internationale d’enquête (Rwanda) sur le commerce des armes au profit des forces de l’ancien Gouvernement rwandais et mettre en œuvre les importantes recommandations qu’elle a faites en 1996. Accorder à cette Commission un nouveau mandat en vue d’enquêter sur les trafics d’armes dans la région des Grands Lacs (incluant le Rwanda, le Burundi et le Congo) et proposer au Conseil de Sécurité des mesures spécifiques et concrètes permettant de diminuer la prolifération des armes légères dans la région.

- Que l’Opération pour les droits de l’Homme sur le terrain publie immédiatement et de manière complète toute information disponible relativement aux massacres délibérés de civils.

Lire la suite