HUMAN RIGHTS WATCH ET LA FEDERATION INTERNATIONALE DES LIGUES DES DROITS DE L’HOMME (FIDH) CONDAMNENT LES MASSACRES DE CIVILS PERPETRES PAR DES SOLDATS RWANDAIS ET PAR DES INSURGES ARMES.

20/08/1997
Communiqué

Human Rights watch et la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) condamnent l’assassinat de centaines de civils par des soldats de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR) et par des insurgés armés au cours d’une série d’incidents survenus dans le nord-ouest de la préfecture de Gisenyi les 8, 9 et 10 août. Le premier de ces incidents s’est déroulé juste un jour après que l’opération pour les droits de l’Homme des Nations Unies ait publié un rapport concernant le massacre par des soldats de l’APR de plus de 2000 personnes, parmi lesquels de nombreux civils non armés, enfants, femmes et personnes âgées dans le nord ouest du Rwanda durant les mois précédents.

Ces massacres se sont déroulés dans le contexte de continuation des affrontements armés entre les soldats de l’APR et des groupes armés composés en majorité de soldats du précédent gouvernement rwandais (ex-FAR) et de membres des milices impliquées dans le génocide des Tutsis en 1994. Le gouvernement rwandais a le droit et l’obligation d’assurer la sécurité de ses citoyens, mais celle-ci doit être garantie dans le respect des règles du droit international humanitaire : le massacre de civils non armés et de combattants ayant déposé les armes ne peut se justifier. De la même manière, le massacre de civils non armés par les insurgés constitue une violation des droits de l’Homme inexcusable.

Le nombre et l’étendue de ces attaques qui ont coûté la vie à des civils se sont multipliés lors des derniers mois. Human Rights Watch et la FIDH déplorent l’approvisionnement en armes de la région, et notamment la récente reprise de ventes d’armes au gouvernement rwandais en provenance d’Afrique du Sud, qui renforce la tension et facilite l’utilisation de forces mortelles à l’encontre des civils sans défense.

Selon des informations émanant de différentes sources indépendantes, y compris des diplomates en place à Kigali, les soldats de l’APR et les insurgés se sont affrontés à l’arme à feu dans le marché très fréquenté de Mahoko le 8 Août à 10 heures. Un rapport fait état d’une part de la poursuite des echanges de feu pendant deux heures, et d’autre part de tirs de mortiers en provenace de l’APR. Des sources indépendantes estiment que 400 personnes ont été tuées, civiles pour la plupart d’entre elles. Les autorités rwandaises déclarent que "plusieurs" civils ont été tués lors de ce incident.

Plus tard dans la journée, des rebelles armés ont attaqué la prison communale de Rubavu où des centaines de personnes poursuivies pour avoir participé au génocide de 1994 étaient détenues. Des témoins déclarent que les soldats de l’APR ont fait fuir les rebelles et ont ensuite tué entre 200 et 300 détenus. Les autorités rwandaises auraient admis que 185 détenus ont été tués, mais rendent les insurgés responsables de ces assassinats. Selon ces sources officielles, les troupes de l’APR avaient quitté les environs immédiats de la prison dans le but de se regrouper. Pendant leur absence, les insurgés auraient alors pris la prison, libéré les détenus et tué ceux qui refusaient de les rejoindre.

Les autorités rwandaises admettent qu’au moins 95 détenus ont également été tués à la prison communale de de Kanama cette même après-midi. Les informations émanant de sources indépendantes portent à environ 200 personnes le nombre de personnes tuées lors de cet incident.

Les autorités ont ordonné à la population locale d’enterrer les morts dans les fosses communes de chaque communauté. Des témoins rapportent que des coups de feu ont également été entendus les 8 et 9 Août dans les secteurs de Muhira, Bisezi, Kanzenze et Nyundo.

Cette soirée et le jour suivant, des soldats ivres de l’APR se sont livrés à des pillages dans ces mêmes secteurs.

D’après un témoignage reçu par Human Rights Watch et la FIDH des troupes armées de l’APR ont fait mouvement dans la région et des témoins rapportent avoir entendu des tirs de mortiers. Ces informations rapportent que l’APR a tué délibérément un nombre indéterminé de civils le 9 Août, certains étaient apparemment identifiés sur une liste de personnes à éliminer.

Le 10 Août à 19 heures, les insurgés ont attaqué une école à Gisa où des étudiants rencontraient un officier de la police nationale. Les informations n’indiquent pas le nombre de personnes tuées ou blessées à l’occasion de cette attaque.

Des informations indiquent qu’un grand nombre de personnes ont fui leurs maisons, certains en direction de Gisenyi, d’autres se dirigeant vers l’ouest et la frontière du Congo.

Le gouvernement rwandais a arrêté 13 des soldats impliqués dans ces incidents.

RECOMMENDATIONS

Au gouvernement rwandais :

• Ordonner aux troupes de l’APR d’arrêter immédiatement de tuer des civils non armés.

• Mener une enquête rapide, apronfondie et impartiale sur ces assassinats, et rendre public ses conclusions. Continuer à arrêter et à poursuivre en justice dès que possible toutes les personnes apparemment impliquées dans ces incidents.

• Garantir le libre accès aux responsables des Nations Unies et des organisations non-gouvernementales de défense des droits de l’Homme, aux organisations qui apportent de l’aide humanitaire, et aux officiers de protection du Haut Commissariat pour les Réfugiés.

Aux insurgés :

• Ordonner à leurs troupes de cesser immédiatement de tuer des civils non armés.

A la communauté internationale :

• Faire pression pour obliger le gouvernement rwandais et les insurgés à arrêter le massacre de civils non armés et à respecter le droit international humanitaire. Conditionner l’aide financière et toute forme d’assistance à l’arrêt de ces assassinats.

Aux Nations Unies :

• Réactiver la Commission Internationale d’Enquête (Rwanda), exécuter les recommandations importantes faites en 1996, et lui donner un nouveau mandat lui permettant d’enquêter sur le trafic d’armes dans la région des Grands Lacs (incluant le Rwanda, le Burundi et le Congo), et proposer au Conseil de Sécurité de prendre des mesures spécifiques et concrètes destinées à mettre un frein à la prolifération d’armes et de munitions légères dans la région.

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