Rwanda : Harcèlement judiciaire subi par plusieurs membres de LIPRODHOR et poursuite de la détention arbitraire de M. Daniel Uwimana

15/12/2014
Appel urgent

Nouvelles informations
RWA 001 / 1114 / OBS 090.2
Détention arbitraire / Libération /
Harcèlement judiciaire /
Entraves à la liberté d’association
Rwanda
12 décembre 2014

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Rwanda.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé du harcèlement judiciaire subi par plusieurs membres de la Ligue Rwandaise pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme (LIPRODHOR), à savoir MM. Jean Faustin Karibanyi, chef d’antenne de Huye, Jean Bosco Tuganumuremyi, chef d’antenne de Musanze, Innocent Maniriho, membre du conseil d’administration légitime, Evariste Nsabayezu, vice-président du conseil d’administration légitime, Daniel Uwimana, chef de l’antenne de Kayonza, André Bigirimana, chef de l’antenne de Rusizi et Mme Goretti Uwitije, membre de la Liprodhor et membre du groupe des animateurs volontaires des droits humains (AVDH) à la LIPRODHOR, et de la poursuite de la détention arbitraire de l’un d’eux, M. Daniel Uwimana.

Selon les informations reçues, le 9 décembre 2014, le Parquet du Tribunal de grande instance (TGI) de Nyarugengea décidé de libérer M. André Bigirimana, chef de l’antenne de Rusizi. M. Daniel Uwimana reste quant à lui détenu à la station de police de Nyamirambo.

MM. Daniel Uwimana et André Bigirimana avaient été arrêtés respectivement les 21 et 24 novembre 2014. Ces deux défenseurs ainsi que MM. Jean Faustin Karibanyi, Jean Bosco Tuganumuremyi, Innocent Maniriho, Evariste Nsabayezu et Mme Goretti Uwitije risquent des poursuites pour « faux et usage de faux » accusés d’avoir falsifié des signatures en vue de convoquer la réunion de l’assemblée générale extraordinaire de la Liprodhor le 23 novembre 2014.. A ce jour, l’enquête serait toujours en cours.

Le 8 décembre 2014, MM. Daniel Uwimana et André Bigirimanadevaient comparaître devant le TGI de Nyarugenge. Seul M. Daniel Uwimana a pu comparaître ce jour la. En effet, M. André Bigirimana n’a pas reçu de convocation et son dossier n’aurait pas été transmis au juge.

Lors de l’audience les avocats de M. Daniel Uwimana ont demandé qu’une mise en liberté soit prononcé en faveur de leur client en l’absence de preuves à charge. Le juge doit se prononcer sur cette demande d’ici le 11 décembre à 16h.

Plusieurs autres membres notamment MM. Jean Faustin Karibanyi, Jean Bosco Tuganumuremyi, Innocent Maniriho et Mme Goretti Uwitije seraient également menacés d’arrestation et recevraient des menaces téléphoniques d’anonymes et de policiers. Mme Uwitijeaurait également été appelée à comparaître ce lundi 8 décembre 2014, mais n’a pas pu se rendre au tribunal.

L’Observatoire dénonce vivement le harcèlement de MM. Uwimana Daniel, Nsabayezu Evariste, Bigirimana André, Karibanyi Jean Faustin, Maniraho Innocent et Mme Goretti Uwitije qui ne vise qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme, et notamment leur implication dans l’organisation de l’Assemblée Générale de la LIPRODHOR prévue pour le 23 novembre 2014. L’Observatoire appelle à mettre fin à toute forme de harcèlement contre les représentants de la société civile indépendante au Rwanda, et à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Daniel Uwimana.

Rappel des faits :

Depuis la prise de contrôle illégitime et illégale de l’organisation en juillet 2013, les membres légitimes du Conseil d’administration (CA) de la LIPRODHOR ont initié une action en justice afin de faire reconnaître la nullité des décisions prises lors d’une précédente Assemblée générale extraordinaire, convoquée illégalement le 21 juillet 2013, qui ont conduit à leur destitution et à l’élection d’un nouveau conseil d’administration « illégitime », reconnu trois jours plus tard par le Rwanda Governance Board (RGB), l’institution publique supervisant les organisations non gouvernementales nationales. Le 8 août 2014, en pleines vacances judiciaires et au terme de reports incessants constatés par un observateur international mandaté par la FIDH et l’OMCT depuis mars 2014, le juge du Tribunal de grande instance de Nyarugenge a rendu une décision inattendue, dans laquelle il a estimé que l’action en justice intentée contre les membres du conseil d’administration « illégitime »de la LIPRODHOR était infondée. Les avocats des membres « légitimes » de la LIPRODHOR ont fait appel de la décision du 8 août 2014. La mise en état en appel pour fixer l’audience sur le fond qui était prévue le 6 novembre 2014 a été remise au 27 novembre 2014 suite à l’absence des intimés. Aucun verdict en appel n’a à ce jour été rendu.

Suite à l’annonce de la convocation,par le tiers des membres « effectifs » de la LIPRODHOR, de la réunion de l’Assemblée Générale pour le 23 novembre 2014, et suite à l’envoi d’invitations à plus de 200 membres de la Liprodhor, les menaces contre plusieurs membres du Conseil d’administration « légitime » se sont accentuées. Ces actes d’intimidation, qui se sont matérialisé par des menaces téléphoniques ou des convocations policières, visent manifestement à intimider toute personne ayant été impliquée dans l’organisation de cette Assemblée Générale [1].

Le 21 novembre 2014, M. Daniel Uwimana a été arrêtéà son domicile, situé dans le secteur de Rugerero, district de Rubavu, province de l’Ouest, par douze policiers et trois inspecteurs de police judiciaire.

Par ailleurs, M. Evariste Nsabayezu a également été arrêté le 21 novembre 2014 vers 16 heures dans son bureau, situé à Nyamirambo, plus placé au cachot de Kicukiro. Le 24 novembre 2014 en fin d’après-midi, M. Evariste Nsabayezu a été libéré, après avoir été interrogé pour « faux et usages de faux en écriture ». Lors de son interrogatoire, M. Nsabayezu a également dû répondre de la légitimité de la réunion de l’Assemblée Générale du 23 novembre 2014. Aucune charge n’aurait été retenue à son encontre, mais des enquêtes restaient en cours.

Le 22 novembre, le Maire du District de Nyarugenge/Ville de Kigali a publié un communiqué « A qui de droit », interdisant l’Assemblée Générale qui devait se tenir le lendemain sur base d’une lettre écrite par M. Aloys Munyangaju, membre du CA illégitime de la Liprodhor demandant l’annulation d’une réunion qu’il n’avait pas convoquée. Le jour de l’événement, plusieurs policiers se trouvaient dans la salle réservée pour l’occasion, afin de dissuader les participants.

Le 24 novembre 2014, M. André Bigirimana a été arrêté au Bureau de l’Immigration du District de Rusizi puis transféré au CID (Criminal Investigation Department) à Kigali. Il a été détenu à la station de police de Nyamirambo et aurait comparu le 3 décembre 2014 devant l’officier de l’organe national chargé des poursuites.

Plusieurs autres membres de la LIPRODHOR ont également du rentrer en clandestinité suite à des menaces et des visites suspectes à leur domicile.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités rwandaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Daniel Uwimana, Evariste Nsabayezu, André Bigirimana et de tous les défenseurs des droits de l’Homme impliqués dans la préparation de l’Assemblée Générale de la LIPRODHOR du 23 novembre notamment MM. Kalibanyi Jean Faustin, Maniraho Innocent, Jean Bosco Tuganumuremyi et Mme Goretti Uwitije ;

ii. Libérer M. Daniel Uwimana de manière immédiate et inconditionnelle, en ce que sa détention ne vise qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement et d’entraves à l’encontre des membres « légitime » de la LIPRODHOR, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Rwanda ;

iv. Garantir de la tenue libre et indépendante d’une Assemblée Générale de la LIPRODHOR pour permettre à ses membres légitimes de gérer leur organisation ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

 à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international »,
 à son article 5 b) et c) qui prévoit qu’« afin de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, aux niveaux national et international, de se réunir et de se rassembler pacifiquement et de former des organisations, associations ou groupes non gouvernementaux, de s’y affilier et d’y participer » ;
 à son article 6(b), selon lequel « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales »,
 à son article 12.2 qui dispose que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration » ;

vi. Se conformer aux dispositions de la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, signée par le Rwanda, dont les articles 3(7) et 12(3) disposent respectivement que les citoyens ont un droit de participation effective dans les affaires publiques et que l’État a le devoir de « créerles conditions légales propices à l’épanouissement des organisations de la société civile ».

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Rwanda.

Adresses utiles :

M. Paul Kagame, Président de la République de Rwanda, Urugwiro Village, P.O. Box 15, Kigali, RWANDA
M. Anastase Murekezi, Premier Ministre, P.O Box 1334 Kigali , RWANDA, Email : webinfos@primature.gov.rw , Tel : + 250 252 586 902, Fax :+ 250 252 584 648
M. Sheik Mussa Harerimana, Ministre de la sécurité intérieure (MININTER), P.O. Box 446 Kigali, RWANDA, Email : info@mininter.gov.rw,Tel/Fax. + 250 252 58 78 81
M. Stephens Kanuuma Nuwagaba, Conseiller du Ministre de l’administration locale (MINALOC), Email : minister@minaloc.gov.rw, Tel :+250788478003
M. Johnston Busingye, Ministre de la justice (MINIJUST), P.O. Box 160 Kigali, RWANDA, Email : mjust@minijust.gov.rw, Tel : +250 252 586398, Fax : +250 252 586509
M. le Directeur Général de Rwanda Governance Board, PO BOX 6819, Kigali, RWANDA, Email : info@rgb.rw,Tel : + 250 255 112 023
Mme la Présidente de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH), BP 269 Kigali, RWANDA, Email : cndh@rwanda1.com, Tel : + 250 5042 71, Fax : + 250 504 270
M. Eugène-Richard GASANA, Ambassadeur, Représentation Permanente de la République du Rwanda aux Nations Unies, 124 East 39th Street, New York, NY 10016, USA, Email : ergasana@minaffet.gov.rw, Tel : +1 212 679 9010/9023, Fax : +1 212 679 9133
M. Michel Ryan, Ambassadeur, Délégation de l’Union Européenne au Rwanda, S.E. M. L’Ambassadeur 1807 Umuganda Boulevard, Aurore Building, 515 Kacyru Kigali, RWANDA, Email : Delegation-rwanda@eeas.europa.eu, Tel :+250 252 58 57 38/39/40/41, Fax :+250 252 58 57 34/36

Lire la suite