La FIDH, réunie lors de son 40eme Congrès :
Réaffirmant l’importance d’avoir des sociétés transparentes et participatives, une société civile indépendante, et le respect des droits fondamentaux, notamment la liberté d’opinion et d’expression, la liberté de réunion pacifique et d’association, la liberté de la presse, la liberté de conscience, ainsi que le droit de participer à la vie politique, tels que proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (Charte africaine) ;
Rappelant le droit à la vie, le droit à l’intégrité physique et le droit à la liberté et sécurité de la personne, ainsi que la liberté de mouvement, tels que protégés par le Pacte international des droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
Rappelant l’importance de consolider une culture politique fondée sur une libre et saine compétition politique, notamment caractérisée par l’alternance, sur la tenue régulière d’élections transparentes, libres, crédibles et justes, conduites par des organes électoraux nationaux, indépendants, compétents et impartiaux, telle qu’affirmée dans la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance (CADEG) ;
Rappelant l’importance de tenir des élections pacifiques, transparentes, libres, justes et équitables, et organisées par des institutions indépendantes comme l’un des fondements de tout État de droit et d’une vie politique apaisée ;
Rappelant les clarifications et le renforcement des Articles 10 et 11 de la Charte africaine apportés par les Lignes directrices de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) sur la liberté d’association et de réunion en Afrique, ainsi que les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois ;
Rappelant qu’entre 2016 et 2019, plusieurs élections présidentielles, législatives et locales se sont tenues en Afrique, notamment en République du Congo, au Cameroun, en Éthiopie, en République démocratique du Congo, en Ouganda, et au Zimbabwe, que certaines sont encore en cours, comme au Mozambique, et que d’autres sont prévues prochainement, notamment au Burundi, en Guinée, au Togo, en Côte d’Ivoire, en République du Congo, en Tanzanie, au Soudan, en République démocratique du Congo et en Éthiopie ;
Préoccupée par la situation des droits humains dans les pays dans lesquels des élections doivent se tenir prochainement, comme en Tanzanie, au Burundi et en Guinée, compte-tenu des restrictions qui sont régulièrement apportées à l’espace démocratique par les autorités et/ou des violences qui ont eu lieu avant, pendant et après les dernières élections ;
Extrêmement préoccupée par la situation sécuritaire prévalant en Guinée actuellement, notamment par la répression violente par les forces de l’ordre des manifestations de membres de la société civile et de l’opposition, organisées depuis le 14 octobre 2019, et alors que certains d’entre eux de membres de la société civile et de l’opposition, dont certains ont été arrêtés arbitrairement, contre le projet de révision de la Cconstitution ouvrant la voie à un troisième mandat du président actuel Alpha Condé, dans la perspective de l’organisation des élections législatives de décembre 2019 et présidentielle de 2020 ;
Extrêmement préoccupée par la situation prévalant au Burundi, notamment par les cas de menaces et d’atteinte à l’exercice de leurs activités professionnelles des membres des médias et de la société civile dans son ensemble, et les violations flagrantes, généralisées et systématiques des droits humains par les autorités, dont les membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir CNDD-FDD, à l’approche de l’organisation d’élections générales prévues pour 2020 ;
Extrêmement préoccupée par la réduction de l’espace citoyen en Tanzanie en vue des élections locales de 2019 et des élections générales de 2020, notamment à l’encontre des représentants de la société civile, des médias et des partis politiques qui sont arrêtés et qui se trouvent empêchés d’exercer librement leurs activités ;
Préoccupée par la réduction de l’espace démocratique et les violations des droits humains et libertés publiques et droits fondamentaux sur fond de crise économique et sociale, comme au Zimbabwe où la détérioration de la situation économique et sociale et l’instabilité politique depuis la prise de pouvoir par le président actuel en 2017, ont entraîné des manifestations pacifiques lourdement réprimées par les forces et services de sécurité, et une augmentation des violations des droits humains dans le pays, notamment à l’égard des membres de l’opposition et des défenseurs des droits humains ;
Préoccupée par les situations où la mise en œuvre de politiques et lois sécuritaires de lutte contre le terrorisme contribuent à la restriction de l’espace démocratique et à la violation des libertés publiques et droits fondamentaux, comme au Cameroun où les revendications à caractère politique et sociale dans les régions anglophones ont été fortement réprimées par les autorités, et ont dégénéré en un conflit entre séparatistes armés et forces de défense et de sécurité du pays, caractérisé par des exécutions sommaires, exécutions extra-judiciaires et détentions arbitraires, notamment de journalistes et défenseurs des droits humains ;
Réaffirmant la nécessité de faire prévaloir et de poursuivre le dialogue, la réconciliation et la confiance entre les différents acteurs de la société et l’importance pour la société civile de participer aux réformes et aux stratégies de développement du pays, et notant avec satisfaction les situations de transition politique qui ont abouti, en particulier :
En Ethiopie où le changement du parti au pouvoir en avril 2018 a donné lieu à des mesures réformatrices, notamment à la libération de plusieurs prisonniers politiques et à l’abrogation de lois liberticides à l’encontre de membres de la société civile. Saluant également les efforts engagés par les nouvelles autorités éthiopiennes vers un rapprochement avec l’Erythrée. Rappelant toutefois que ce changement est intervenu dans le cadre de manifestations de grande ampleur et de longue date contre les politiques gouvernementales et les violences des forces de sécurité de l’ancien régime, notamment à l’égard des défenseurs des droits humains. Rappelant également que des tensions intercommunautaires demeurent, notamment dans les régions d’Oromia, d’Amhara, et la région des nations, nationalités et peuples du sud, et que des élections législatives doivent se tenir bientôt,
En République démocratique du Congo où les violences commises durant la période pré-électorale, et notamment la répression et l’usage disproportionnée de la force par les forces de défense et de sécurité du pays à l’égard des opposants politiques, des journalistes, des défenseurs des droits humains et autres membres de la société civile, ont abouti à une alternance politique au début de l’année 2019. Notant également les signes positifs d’ouverture démocratique observée dans le cadre de la transition politique, en particulier la formation d’un gouvernement de coalition, la libération de plusieurs prisonniers politiques, et le retour sur le territoire congolais de certains opposants politiques historiques. Rappelant toutefois l’importance de consolider les efforts engagés dans le cadre de la transition et de traduire les auteurs de violations des droits humains commises dans le cadre électoral en justice, ainsi que l’importance de la tenue prochaine d’élections locales pacifiques,
Au Soudan où le conseil militaire au pouvoir et la coalition d’opposition ont signé une déclaration constitutionnelle historique et un accord de partage du pouvoir, entamant une période de transition de trois ans jusqu’aux prochaines élections. Rappelant toutefois que cette transition politique est intervenue dans un contexte de forte répression par les autorités soudanaises de la contestation fondée sur des revendications économiques et sociales et débutée en décembre 2018. Rappelant également que l’état d’urgence et les lois sécuritaires y afférentes sont encore en vigueur dans cinq régions, notamment au Darfour, et que les crimes graves commis sous l’ancien régime ne doivent pas restés impunis ;
La FIDH appelle :
Les autorités étatiques :
– A garantir en tout temps les droits civils et politiques et les libertés fondamentales afin d’ouvrir l’espace démocratique, condition nécessaire à la tenue d’exercices démocratiques crédibles, transparentes, inclusives et apaisées, notamment en vue de la tenue prochaine d’élections au Burundi, en Ethiopie, en Guinée et en Tanzanie,
– A garantir des conditions favorables à la tenue d’élections apaisées, avant, pendant et après les élections,
– A prendre ou à continuer les efforts engagés vers la prise de mesures d’ouverture de l’espace démocratique visant au dialogue et à la pleine participation de tous les acteurs de la société dans la vie politique, notamment dans les États en transition comme en République démocratique du Congo, au Soudan et en Ethiopie,
– A prendre des mesures visant à rétablir la confiance de manière inclusive et participative avec et entre les différents acteurs de la société, notamment par la prise de mesures de décrispation, de médiation, de réconciliation et de dialogue avec les communautés, comme en République démocratique du Congo, au Soudan, au Cameroun et en Ethiopie,
– A lutter contre l’impunité des crimes commis dans le cadre d’une répression des contestations politiques, économiques et sociales, notamment ceux commis en marge de manifestations pacifiques réprimées, par la libération immédiate des personnes arrêtés arbitrairement et détenues illégalement, et par l’ouverture d’enquête et la poursuite en justice des personnes responsables de ces crimes,
– A assurer la pleine participation et l’information de tous les acteurs de la vie politique dans les politiques de développement et de réforme du pays visant à lutter contre la crise économique et sociale et dont la contestation est réprimée, notamment au Zimbabwe,
– A respecter les normes du droit international des droits humains et les standards internationaux encadrant l’utilisation de la force par les agents responsables de l’application des lois, en particulier les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité, de précaution et de responsabilité, notamment en Guinée,
Les acteurs politique et aux membres de la société civile :
– A promouvoir publiquement les normes et standards du droit international des droits humains et de respecter les principes de non-violence,
– A poursuivre leurs objectifs par des moyens pacifiques et d’inscrire leurs démarches dans le strict respect des droits humains et des libertés publiques le cas échéant,
– A condamner fermement l’usage de la violence par des membres de partis politiques et prendre les mesures appropriées pour les prévenir et y mettre fin,
La communauté internationale :
– A œuvrer pour un environnement propice à la tenue d’élections libres, transparentes et apaisées, notamment par une ouverture de l’espace démocratique et le respect des droits fondamentaux et libertés publiques avant, pendant et après les élections,
– A promouvoir la lutte contre l’impunité des crimes commis dans un cadre de réduction de l’espace démocratique, notamment en période électorale, par l’ouverture d’enquêtes indépendantes, impartiales et exhaustives, et par la poursuite des auteurs de ces crimes en justice,
– A promouvoir auprès des autorités nationales compétentes une utilisation de la force par les agents d’application des lois qui soit conforme aux principes internationaux en la matière, et la formation et l’équipement des forces et services de sécurité qui respectent les libertés publiques et les droits fondamentaux,
– A soutenir la société civile, les mouvements citoyens et les acteurs de changement pacifiques dans leurs revendications en faveur du respect des libertés fondamentales et des réformes institutionnelles démocratiques.