République du Congo : les autorités doivent garantir la sécurité des populations et ne pas répéter les répressions du passé

19/03/2021
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(Brazzaville, Nairobi, Paris) A la veille de l’élection présidentielle en République du Congo, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et son organisation membre, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme (OCDH) expriment leur vive préoccupation quant à la détérioration de l’espace démocratique et de l’état des libertés fondamentales dans le pays. Nos organisations appellent les autorités congolaises à garantir le respect des droits humains et des principes démocratiques pendant toute la période électorale.

Dimanche 21 mars 2021 aura lieu l’élection présidentielle en République du Congo, à laquelle le président actuel, Denis Sassou Nguesso, 77 ans, est candidat pour un quatrième mandat et après 36 ans au pouvoir. Après l’Ouganda, la Tanzanie, la Côte d’Ivoire, la Guinée, et le Burundi, c’est au tour de la République du Congo d’élire son président, dans un contexte aggravé par la crise sanitaire du Covid-19, et caractérisé par des restrictions accrues des droits fondamentaux et des libertés par les autorités nationales. Depuis le début de la campagne électorale, le 5 mars, des entraves aux libertés, notamment de rassemblement et d’expression, ont été dénoncées. Ces derniers mois, l’opposition politique ainsi que les activistes des droits humains et les journalistes ont régulièrement été la cible d’attaques et d’entraves qui risquent de s’exacerber autour du scrutin.

L’arrestation illégale et arbitraire, le 11 mars, du Dr Alexandre Ibacka Dzabana, un des coordonnateurs de la Plateforme congolaise des ONG des droits humains et de la démocratie, président du mouvement M22 et membre de la coalition Tournons La Page Congo en est un triste exemple. À ce jour, il reste détenu dans les locaux de la Direction générale de la surveillance du territoire, sans accès ni à son avocat ni à sa famille. En février, c’est le journaliste Raymond Malonga, qui a été arrêté par les forces de sécurité pour avoir relayé des accusations de détournement de fonds par des membres de la famille du président Denis Sassou Nguesso. Sa détention arbitraire se poursuit, alors que son état de santé se détériore et qu’aucune date n’a été fixée pour son procès.

“Les autorités congolaises doivent garantir la sécurité des défenseurs des droits humains, activistes et journalistes opérant pendant cette période électorale. Leur action pacifique et légitime de défense des droits humains, y compris par la documentation et le suivi du processus électoral, ne doit subir aucune entrave et doit être protégée.”

Nos organisations

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde le 18 mars 2021, nos organisations ont également alerté et interpellé la France sur la dégradation de la situation des droits politiques et civiques au Congo.

La FIDH et l’OCDH expriment leurs vives inquiétudes quant aux caractères crédible, transparent et équitable de cette élection pour laquelle le pouvoir en place semble avoir tout joué d’avance. À l’approche du scrutin ce dimanche, nos organisations alertent sur le risque d’aggravation de la situation politique et des droits humains, y compris par la répression des voix contestataires à l’issue du vote. Nos organisations appellent la communauté internationale, et particulièrement les partenaires privilégiés du Congo que sont l’Union africaine, l’Union européenne et la France, à redoubler d’attention et à prendre toutes les mesures nécessaires au bon déroulement de cette échéance électorale.

“Depuis 2002, le président Denis Sassou Nguesso a été systématiquement réélu à la faveur d’élections contestées. Cette confiscation du pouvoir empêche l’instauration d’un dialogue politique véritable et inclusif, et alimente les tentations de contestation radicale du régime en place. Pour éviter une résurgence de la violence, il est urgent que le gouvernement congolais s’engage à respecter les principes démocratiques et les libertés publiques et fondamentales, y compris en libérant les défenseurs des droits humains, journalistes, et opposants politiques détenus arbitrairement.”

Paul Nsapu, vice-président de la FIDH

L’OCDH, avec le soutien de partenaires, poursuit sa campagne, lancée en janvier 2021, et intitulée « Pour les droits humains au Congo » pour témoigner des exactions commises lors des dernières élections dans le pays et pour prévenir les risques de répétition.

« Nous appelons les autorités congolaises à ne pas couper les communications, et à garantir la sécurité des candidats et des citoyens durant et après le vote, mais aussi à réfréner tout recours à la violence et aux arrestations et détentions arbitraires. Nous nous souvenons encore de la répression du Pool en avril 2016 après l’élection présidentielle et exigeons que les autorités garantissent la sécurité des populations pendant toute la durée du processus électoral » a déclaré Trésor Nzila, directeur exécutif de l’OCDH.

Contexte

Après l’élection du 20 mars 2016, des opérations militaires et policières d’envergure dans le département du Pool avaient causé des dizaines de morts et des blessés, la destruction de nombreux bâtiments tels que des écoles, des centres médicaux et des églises, ainsi que de nombreuses arrestations. Alors que l’accès au département du Pool était soumis à de fortes restrictions par les forces de sécurité, une répression était menée à huis clos à l’encontre d’une partie des populations opposées à la réélection du président Denis Sassou Nguesso. Aucun enquête indépendante sur ces événements n’a fait la lumière sur les crimes commis qui restent impunis à ce jour.

Le 25 octobre 2015, un referendum constitutionnel a entériné une modification de la Constitution prévoyant la suppression des deux verrous qui empêchaient le président Denis Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat : la limite d’âge et celle du nombre des mandats présidentiels. Avec 92,96 % des voix favorables à son adoption, la nouvelle Constitution a ouvert la voie au président Sassou Nguesso, l’autorisant à se re-présenter à l’élection présidentielle en 2016, et jusqu’en 2026. L’opposition politique et la société civile s’étaient fortement mobilisées contre cette modification, dénonçant un coup d’État constitutionnel, et avaient été sévèrement réprimées les 20 et 21 octobre 2015, causant la mort d’une vingtaine de personnes à Brazzaville, Pointe Noire et d’autres localités du pays.

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