République du Congo : À quatre jours du référendum constitutionnel, la répression s’abat sur les opposants

21/10/2015
Communiqué
en fr

(Brazzaville, Paris) La FIDH, l’OCDH et les organisations membres de la coalition #MonVoteDoitCompter condamnent la répression brutale des manifestations qui ont lieu depuis hier, 20 octobre 2015, et qui se poursuivent ce 21 octobre, pour protester contre le référendum constitutionnel prévu dimanche prochain.

Le bilan provisoire des tirs à balles réelles des forces de l’ordre contre les manifestants pacifiques est de cinq morts dont trois victimes civiles à Brazzaville, et au moins deux à Pointe Noire. Alors que de nouvelles manifestations sont prévues dans les prochains jours, nos organisations appellent l’ensemble des acteurs à faire preuve de retenue et exhortent les autorités nationales à garantir les libertés fondamentales d’expression et de manifestation pacifique, et à s’assurer que les forces de l’ordre s’abstiennent de tout usage excessif et disproportionné de la force.

« Les autorités congolaises font régner un climat de peur et de répression accrues en procédant à des arrestations massives et en recourant à la violence pour empêcher les Congolais de s’exprimer, de manifester librement et pacifiquement et d’être informés. La répression violente de manifestations pacifiques et la suspension des moyens de communication et d’information sont des pratiques de pouvoir autoritaire. Les autorités doivent stopper immédiatement l’utilisation d’armes létales pour réprimer les manifestations, rétablir les systèmes d’information et de communication et annuler le référendum constitutionnel qui est, manifestement, anticonstitutionnel et non consensuel », ont déclaré nos organisations.

A Brazzaville, dès 9h du matin le 20 octobre, des manifestants ont rejoint les rues des quartiers contestataires de Bacongo et Makélékélé, au sud de la capitale, pour manifester pacifiquement contre le référendum constitutionnel qui doit se tenir dimanche 25 octobre. Des agents de la police et de la gendarmerie, déployés en masse pour quadriller ces zones, ont empêché les manifestants de converger vers leur lieu de rassemblement, prévu au square de Gaulle, devant le lycée Pierre Savorgnan de Brazzaville. Des affrontements s’en sont suivis entre manifestants et policiers et gendarmes. Les manifestants auraient fait usage de jet de pierre tandis que les forces de l’ordre auraient procédé à des tirs de gaz lacrymogène et des tirs à balles réelles. Entre 10h et 15h hier, un hélicoptère a survolé ces quartiers sud et largué des bombes lacrymogènes sur les manifestants.

Le bilan provisoire établi par nos organisations fait état de trois morts à Bacongo et d’une dizaine de blessés sur l’ensemble des quartiers sud. Des manifestants ont affirmé avoir identifié parmi les rangs des forces de sécurité, des jeunes connus pour être des membres des anciennes milices Ninja. A Mfilou, 7ème arrondissement de Brazzaville, des éléments du GPC (Groupement para commando), corps d’élite de l’armée congolaise, sont rentrés dans des habitations et ont arrêtés mardi quatre jeunes manifestants. D’autres arrestations ont eu lieu dans les quartiers de Bacongo et Makélékélé.

Hier, les manifestants ont érigé des barricades pour empêcher les forces de l’ordre de continuer de se déployer dans les quartiers et ont brûlés des pneus et incendié trois commissariats de police de la capitale, provoquant la fuite d’un nombre toujours inconnu de prisonniers. Les heurts ont duré jusqu’à 15h30 environ. Parallèlement, une marche pacifique organisée par les partisans du « oui » au référendum s’est déroulée sans heurt dans le quartier de Moungali, et dans le centre-ville.

À Pointe Noire, l’armée est venue prêter main forte à la police pour empêcher une manifestation anti-référendum. Des affrontements ont éclaté au cours desquels les forces de sécurité ont procédé à des tirs à balles réelles et de gaz lacrymogène. D’après les informations recueillies par nos organisations, au moins deux civils ont été abattus par les forces de sécurité et plusieurs autres ont été blessés. Des barricades ont été érigées et des pneus brûlés.

À Dolisie, troisième plus grande ville du pays, les forces de police et de l’armée sont déployées dans toute la commune depuis mardi matin, et ont également dispersé, sans incident, une manifestation ce même jour. Un meeting de représentants de l’opposition devait également avoir lieu à Dolisie mardi, mais les forces de l’ordre n’ont pas autorisé sa tenue. Dans la ville de Madingou, au sud du pays, le domicile de Placide Moudoudou, qui a en grande partie rédigé le nouveau projet de Constitution, a été saccagé mardi 20 octobre. Dans cette localité, la population s’en serait également prise à certains membres du Parti Congolais du Travail (PCT – parti au pouvoir) qui ont fui hier.

Aujourd’hui, mercredi 21 octobre, les manifestations ont repris à Brazzaville et des tirs de gaz lacrymogène et tirs à balles réelles ont été à nouveau utilisés pour disperser les rassemblements. Six leaders de l’opposition, Clément Mierassa (président du Parti social-démocrate congolais - PSDC), Emmanuel Boungouandza (sénateur et membre de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale - UPADS), Guy Romain Akifoussia (UDR-Mwinda), Pastere Kitemoso et Marion Mabzimba (membres de la plate forme Frocad) et le professeur Henri Doukoulou (professeur de l’Université de Brazzaville), ont été arrêtés par la police vers 14h dans le quartier de Diata à Brazzaville et conduits au commissariat central. Ils s’apprêtaient à participer à une conférence de presse au siège de l’UPADS. Ils ont été libérés vers 18h. Vingt jeunes ont également été arrêtés au domicile d’Emmanuel Boungouandza, situé à Diata. Ils sont encore en détention.

Par ailleurs, internet et le réseau SMS restent coupés sur l’ensemble du territoire congolais depuis lundi. Depuis cette date également, les autorités nationales ont suspendu la diffusion des programmes de Radio france internationale (RFI).

Des appels à poursuivre la mobilisation jusqu’à la fin de la semaine ont été lancés par la société civile et les partis d’opposition dans les principales villes du pays. Nos organisations appellent les autorités congolaises à se conformer à leurs obligations nationales et internationales et respecter le droit de manifestation pacifique des citoyens congolais.

« L’ampleur des contestations doit pousser les autorités congolaises à abandonner leur projet de modification de la Constitution, lequel viole les règles démocratiques en vigueur en République du Congo et les obligations internationales du pays. L’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE), l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) et les Nations Unies doivent prendre les mesures prévues par leurs textes contre ceux qui cherchent à se maintenir au pouvoir au mépris de toutes les règles en vigueur ainsi que contre les responsables des violations des droits humains en cours, afin que des élections libres et crédibles puissent se tenir dans un climat apaisé. », ont déclaré nos organisations.

Contexte
Le 22 septembre dernier, Denis Sassou Nguesso, a exprimé sa volonté de tenir un référendum pour décider d’un « changement » de la Constitution en vigueur en République du Congo depuis 2002 pour lui permettre de briguer un troisième mandat présidentiel. Les opposants au référendum, qui y voient une tentative de coup d’État constitutionnel, avaient laissé jusqu’à lundi 19 octobre à Denis Sassou Nguesso pour abandonner son projet de référendum, déclarant qu’à partir de cette date ils ne reconnaîtraient plus la légitimité du président.
Lire la suite