La répression à huit clos se poursuit au Pool et dans le reste du pays

12/04/2017
Rapport

(Brazzaville, Paris) Un an après les premiers bombardements dans la zone du Pool au sud de la capitale Brazzaville, le département considéré comme rebelle demeure fermé à tout observateur extérieur et les autorités congolaises ainsi que des groupes armés non identifiés s’y livreraient à des violations massives des droits humains : bombardement de civils, éviction forcée des populations, arrestations arbitraires et actes de torture et traitements inhumains. La FIDH et l’OCDH, qui publient ce jour une note sur la grave détérioration de la situation des droits humains au Congo-Brazzaville, sont également préoccupées par la vague d’arrestations et de détentions arbitraires qui a précédé et suivi l’élection présidentielle de mars 2016 et qui se solde par un nombre record de détenus politiques.

Depuis un an, près de 30 000 personnes au moins auraient été déplacées de force dans le département du Pool et plusieurs dizaines d’individus seraient morts ou portés disparus à la suite de l’intervention des forces armées et de sécurité congolaises ainsi que des éléments armés non identifiés dans la zone. Des centaines de personnes se sont réfugiées dans les familles d’accueil et d’autres dans la brousse et vivent dans une précarité extrême, sans l’assistance des organisations humanitaires empêchées de se rendre sur place. Du côté des détenus politique, près de 130 opposants seraient détenus dans les geôles du régime, parmi lesquels une trentaine de dirigeants de l’opposition. Les prisonniers d’opinion sont détenus dans des conditions parfois inhumaines, avec un accès intermittent à leurs avocats et leurs familles. Le décès en détention le 17 février 2017 dans des circonstances troubles de Marcel Ntsourou, ancien pilier du régime passé dans l’opposition, en est une illustration parfaite. Beaucoup d’autres opposants restent en attente de procès, et plusieurs d’entre eux ont subi des traitements cruels, inhumains ou dégradants ou des actes de torture.

« Les ONG de défense des droits humains tirent une fois de plus la sonnette d’alarme sur la tragédie des populations du Pool qui se déroule à huis clos et dans l’indifférence générale. Cette crise orchestrée par les autorités congolaises a pour but de punir les opposants politiques et les populations du Pool après la ré-élection légitimement contestée du président Denis Sassou Nguesso il y a un an »

Me Drissa Traoré, Vice-président de la FIDH

Cette grave détérioration de la situation des droits humains au Congo-Brazzaville fait suite à l’annonce du président Denis Sassou Nguesso, en 2015, de sa volonté de briguer un troisième mandat présidentiel de 5 ans après 32 ans de pouvoir. Réélu en mars 2016 à l’issue d’un scrutin hautement contesté, le président Nguesso s’est lancé dans une répression tout azimut marquée notamment par les bombardements dans le Pool. Au moment de l’élection, toutes les télécommunications avaient été suspendues dans le pays pendant quatre jours. L’opposition politique, la société civile ainsi que la communauté internationale dont le Canada, les Etats-Unis et l’Union européenne avaient dénoncé les irrégularités du scrutin.

Depuis, les arrestations arbitraires, les attaques contre les médias, et les atteintes à la liberté de réunion politique se sont multipliées. Les forces de police sont intervenues à de nombreuses reprises pour interrompre ou empêcher des meetings et réunions politiques de l’opposition. Les cas de détentions arbitraires, de disparitions forcées, de torture, se multiplient également et visent tant des personnalités emblématiques de l’opposition que de simples citoyens. Organe Nioko Ngambou a ainsi été placé en garde à vue pour une affaire de vol et de recel, battu dans sa cellule et est décédé quelques jours plus tard des suites de ces blessures. Fabrice Oyakou, a quant à lui été arrêté pour consommation de chanvre et est décédé quelques jours plus tard du fait des violences policières subies en détention.

Enfin, le projet de loi devant régir les associations, adopté par le Parlement fin 2016, mais non encore promulgué, restreint drastiquement les droits des organisations non-gouvernementales nationales comme internationales. Cette loi donne toute latitude au Ministre de l’Intérieur de dissoudre une association sans le contrôle d’un juge, et contient beaucoup d’éléments de langage flous et sujets à une interprétation pouvant porter atteinte à la liberté des organisations de la société civile, qui n’ont pas été associées au processus d’élaboration du projet de loi.

« La FIDH et l’OCDH appellent à ce que soit mis un terme immédiat à la répression dans le Pool. Des enquêtes indépendantes régionales et internationales sur cette année de répression doivent également être menées. Les opposants politiques arrêtés au lendemain de l’élection présidentielle de 2016 devraient également avoir droit à des procès justes et équitables ou être libérés, comme le garantit la loi congolaise »

Trésor Nzila Kendet, Directeur exécutif de l’OCDH

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