Publication d’un rapport : "Jeu de dupes et violations récurrentes des droits de l’Homme"

07/05/2004
Rapport
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Après l’exécution d’un programme de coopération juridique pendant plus de 2 ans au Congo Brazzaville, la FIDH publie un rapport « Jeu de dupes et violations récurrentes des droits de l’Homme ».

Ce programme avait pour objectif l’évaluation de la situation de l’administration de la justice et de l’Etat de droit au Congo-Brazzaville. Une mission d’enquête de la FIDH s’est rendue en novembre 2003 à Brazzaville pour faire le suivi d’un séminaire, auquel avaient participé représentants de l’Etat et membres de la société civile, et qui avait émis des recommandations précises afin que les autorités nationales respectent leurs engagements régionaux et internationaux relatifs à la protection des droits humains (p. 10 à 21).

Le constat fait par la mission, présenté dans ce rapport, est sévère. La grande majorité des engagements pris par les représentants de l’Etat n’ont pas été suivis d’effets.

Premier élément d’étude, la mise en place des institutions d’appui à l’Etat de droit (Commission nationale des droits de l’Homme, Conseil supérieur de la communication, Commission des droits économiques et sociaux,...) vantées par le gouvernement comme l’un des axes majeurs de la reconstruction du pays, a déçu (p.27-29). Sans budgets significatifs, siégeant dans des hôtels, ces institutions ont été qualifiées "de cadeaux pour les proches du Pouvoir" par des membres d’institutions internationales. L’élection de leurs membres n’a en effet pas constitué un signal positif, toutes les composantes du jeu démocratique n’ayant pas été impliquées et les caciques de l’Etat y étant placés à leur tête.

Deuxième élément d’étude, l’administration de la justice. Manque de personnels qualifiés, délabrement voir manque d’infrastructures, réforme du code pénal au point mort, la justice parait l’oubliée du gouvernement congolais. Cette situation ralentie inexorablement l’exercice judiciaire et entraîne de graves violations quant aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis pourtant par la Constitution et les instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme qui lient le Congo. Arrestations et détentions arbitraires et mauvais traitements sont encore le lot quasi quotidien des citoyens congolais, en toute impunité pour leurs auteurs, en l’occurrence les forces de l’ordre. Quant aux conditions de détention, elle relève du mandat du Comité contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Troisième élément d’étude, les engagements du Congo au regard des instruments régionaux et internationaux de protection des droits de l’Homme (p.36). Si la FIDH s’est réjouie du dépôt de l’instrument de ratification de la Convention contre la torture en juillet 2003, elle déplore le fait que 4 années aient été nécessaires entre la promulgation de la loi de ratification le 15 août 1999 et le dépôt de l’acte auprès du Secrétaire général des Nations unies le 30 juillet 2003. En revanche la FIDH se félicite de la récente ratification par le Congo le 3 mai 2004 du Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Néanmoins, la loi d’adaptation nationale au Statut de la CPI portant définition des crimes, des principes généraux du droit international pénal et organisant la coopération entre la Cour et l’Etat congolais n’est même pas à l’état de préparation. Et dernièrement, le Conseil des ministres a donné un avis positif pour l’adoption d’un accord bilatéral avec les Etats unis empêchant toute remise à la CPI de citoyens américains se trouvant sur le territoire du Congo.

Enfin, la FIDH a souhaité dans son rapport insister sur les graves violations des droits de l’Homme que continue de subir la population civile dans la région du Pool (p.25-27).

Comme le confirment les rares intervenants humanitaires sur place, malgré l’accord de paix du 17 mars 2003, la population souffre encore des exactions commises par les forces armées congolaises (FAC) et les rebelles ninjas du Pasteur Ntoumi : déplacements internes forcés, violences sexuelles contre les femmes, malnutrition, non accès aux soins, insécurité, pillages, destruction de biens, etc. Dans son rapport d’évaluation, le 2 septembre 2003, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) parlait d’une « crise humanitaire ».

Depuis le mois d’octobre 2003, la tension semble attisée : d’après certains témoignages, les contrôles sont accrus aux barrages, on refuse le droit d’accès aux humanitaires... Les incidents entre les parties se font multiples le long de la voie du chemin de fer menant à Brazzaville. L’amnistie accordée par le gouvernement aux rebelles ninjas pour faits de guerre pour la période allant du 15 janvier 2000 au 1er septembre 2001, ajoutée à l’impunité des exactions commises par les forces gouvernementales, renforce le sentiment d’isolement de la population de la région.

A partir de ce constat, la FIDH émet un certain nombre de recommandations à l’intention des autorités nationales afin qu’elles se conforment aux normes internationales de protection des droits humains qui obligent l’Etat congolais et qui par leur strict respect permettrait aux citoyens congolais d’entrevoir un véritable Etat de droit. Ces recommandations s’adressent aussi aux partenaires du Congo, qui doivent orienter et/ou conditionner leurs aides et investissements à la protection effective des droits de l’Homme dans le pays.

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