Actes de harcèlement à l’encontre de MM. Brice Makosso et Christian Mounzéo, et entraves à leur liberté de mouvement

Monsieur le Président,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), souhaite vous faire part de sa vive préoccupation concernant les entraves systématiques depuis plusieurs mois à la liberté de mouvement de M. Christian Mounzéo, président de l’ONG Rencontre pour la paix et les droits de l’Homme (RPDH) et M. Brice Makosso, secrétaire permanent de la Commission épiscopale « Justice et Paix », et tous deux coordinateurs de la coalition « Publiez ce que vous payez ».

En effet, le 12 février 2007, MM. Mounzéo et Makosso ont une nouvelle fois été empêchés de sortir du pays, afin de se rendre en France pour prendre part au Sommet citoyen France-Afrique, organisé du 11 au 13 février 2007 à Paris. Ils devaient tous deux intervenir en séance plénière, respectivement sur les droits économiques et sociaux en Afrique et sur les flux financiers et le développement.

Déjà, le 13 novembre 2006, de retour d’une mission de travail en Europe, M. Mounzéo avait été interpellé sans mandat à l’aéroport international de Maya-Maya. Il a été détenu jusqu’au 14 novembre 2006, date à laquelle lui a été notifiée une interdiction de quitter le territoire, émise par le procureur de la République de Pointe-Noire, pourtant démis de ses fonctions en juillet 2006.

Le 15 janvier 2007, alors qu’ils se rendaient au Kenya pour participer au Forum social mondial (FSM) à Nairobi, MM. Mounzéo et Makosso avaient de nouveau été interpellés à l’aéroport par des agents de la police de l’air et des frontières sur réquisition du procureur de la République, leur interdisant de quitter la circonscription de Pointe-Noire. Ils ont alors été placés en garde à vue pendant près de huit heures, avant de pouvoir rencontrer le procureur de la République, qui a indiqué que l’assignation à résidence était toujours valide du fait de la procédure en appel à leur encontre, encore pendante. MM. Mounzéo et Makosso ont été relâchés en milieu d’après-midi, après le départ de leur avion. De fait, ils n’ont pu se rendre au FSM.

Ces faits s’inscrivent dans le cadre du harcèlement judiciaire et policier dont font l’objet MM. Mounzéo et Makosso depuis avril 2006. En effet, l’Observatoire rappelle que, depuis cette date, MM. Mounzéo et Makosso ont été régulièrement convoqués, placés en garde à vue ou détenus, suite à une plainte déposée contre eux en février 2006 par M. William Bouaka, ancien secrétaire général de la RPDH, pour "mauvaise gestion de fonds" et "faux en écriture" (Cf. appels urgents de l’Observatoire COG 001/0406/OBS 050, 050.1 et 050.2).

Après de multiples reports d’audience et au terme d’un procès entaché de nombreuses irrégularités, le 27 décembre 2006, le Tribunal de Pointe-Noire a reconnu MM. Mounzéo et Makosso coupables de "faux et usage de faux" et "abus de confiance" et les a condamnés à un an de prison avec sursis et une amende de 300 000 francs CFA (environ 457 euros). MM. Mounzéo et Makosso ont immédiatement interjeté appel de cette décision, et jusqu’à présent, aucun verdict définitif n’a été rendu.

L’Observatoire exprime sa profonde préoccupation à l’égard de ces faits, et craint qu’elles ne s’inscrivent dans le cadre plus général de représailles à leurs activités de promotion et de défense des droits de l’Homme. En conséquence, l’Observatoire appelle les autorités à mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement à leur encontre.

L’Observatoire rappelle également aux autorités du Congo-Brazzaville leurs engagements internationaux en matière de respect des droits de l’Homme, notamment l’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui dispose que « quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un Etat a le droit d’y circuler librement » et que « toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien ».

Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités nationales de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, notamment son article 1 qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveau national et international » ainsi qu’aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme auxquels le Congo-Brazzaville est partie.

En espérant que vous prendrez en compte les présentes requêtes, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre plus haute considération.

Sidiki KABA Eric SOTTAS
Président de la FIDH Directeur de l’OMCT

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