RDC : Menaces et actes de harcèlement à l’encontre des avocats représentant les parties civiles dans le procès relatif à l’assassinat en juin 2010 de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana

14/09/2015
Appel urgent
RDC

L’Observatoire a été informé de menaces et d’actes de harcèlement à l’encontre des avocats représentant les parties civiles dans le procès Chebeya.

APPEL URGENT - L’OBSERVATOIRE

COD 003 / 0915 / OBS 075
Menaces / Intimidations
RDC
14 septembre 2015

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Description de la situation :

L’Observatoire a été informé par la Ligue des électeurs et par la Voix des sans-voix pour les droits de l’Homme (VSV) de menaces et d’actes de harcèlement à l’encontre des avocats représentant les parties civiles dans le procès relatif à l’assassinat en juin 2010 de Floribert Chebeya, directeur exécutif de la VSV et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et Fidèle Bazana, membre de la VSV.

Selon les informations reçues, dans les jours précédant la prononciation du verdict en appel fixée au 17 septembre 2015, plusieurs avocats des parties civiles dans le procès relatif à l’assassinat en juin 2010 de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana ont fait l’objet de menaces de mort. Ces menaces ont visé en particulier Me Richard Bondo, Me Jean-Marie Kabengela Ilunga, Me Elie Mbikayi Muamba et Me Peter Ngomo Milambo, avocats représentant les parties civiles.

Ainsi, par exemple, récemment, lors d’une audience, un avocat représentant l’États’est adressé aux avocats des parties civiles pendant une audience en proférant ces mots : « les avocats des parties civiles subiront le même sort que leurs clients » ou encore d’autres intimidations verbales telles que « les parties civiles et leurs conseils cherchent la tête du Chef de l’Etat et non Daniel Mukalay et John Numbi » et « vous les avocats des parties civiles, vous êtes en train de combattre le pouvoir en place, irez-vous jusqu’au bout ? ».

Ces menaces font suite à la comparution le 9 juillet 2015 du renseignant M. Kalala Kalao, témoin clé dans le procès en appel des deux défenseurs des droits de l’Homme. Kalala Kalao est l’ancien chauffeur du Colonel Daniel Mukalay suspecté d’être impliqué dans les assassinats [1]. De plus, les menaces se seraient amplifiées suite aux plaidoiries finales qui se sont tenues fin juillet et début août 2015, et qui ont fait état de certaines pièces du dossier qui n’ont pas fait l’objet de l’instruction. Notamment, les pièces relatives au rapport de la VSV sur les massacres des adeptes du Mouvement politico-religieux Bundu Dia Kongo en 2008 dans la province du Bas-Congo et le message électronique que feu Floribert Chebeya avait envoyé à Me Jean Claude Ndiankanyi à Bruxelles fin mai 2010, lui demandant de rédiger une plainte à déposer à la Cour pénale internationale contre les auteurs présumés de ces massacres.

L’Observatoire a également été informé que les avocats associés Me Ngomo Milambo et Me Mbikayi Muamba ont fait l’objet de visites suspectes sur leur lieu de travail. Plusieurs avocats ont également reçu des appels anonymes provenant de numéros masqués et indétectables par leur opérateur de téléphonie mobile.

Par ailleurs, le 27 août 2015, les avocats membres du collectif des parties civiles ont adressé une lettre au Bâtonnier de l’Ordre national des avocats afin de l’informer et d’expliquer la situation. Quelques jours plus tard, en réaction à cette lettre le Bâtonnier aurait directement menacé verbalement les avocats, affirmant que maintenant que les plaidoiries se sont achevées, « ils allaient se retrouver pour régler les comptes ».

L’Observatoire s’inquiète de ces actes de harcèlement répétés à l’encontre d’avocats impliqués dans la défense des droits de l’Homme, et appelle les autorités congolaises à prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des avocats menacés.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des avocats représentant les parties civiles dans le procès relatif à l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris administratif et disciplinaire, à l’encontre des avocats représentant les parties civiles dans le procès relatif à l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana ainsi que l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

iii. Diligenter une enquête immédiate, exhaustive et impartiale, au sujet de tous les faits décrits ci-dessus, afin d’identifier tous les responsables et de les juger devant des tribunaux compétents ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

 son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

 son article 9 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, notamment : c) D’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales”
 et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”.

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120 ; Email : pp@presidentrdc.cd
· M. Augustin Matata Ponyo, Premier Ministre et Président du Comité de Pilotage de l’entité de liaison pour les droits de l’Homme, Avenue Roi Baudouin, n° 5, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo ; Email : cabinet@primature.cd
· M. Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice et des Droits Humains, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : minjustdh@gmail.com ; min-droitshumains@yahoo.fr
· M. Flory Kabange Numbi, Procureur Général de la République ; Email : florykan@yahoo.fr
· Parquet Général de la République, M. Le Procureur Général de la République, Email : pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com ; pgr_rdc@yahoo.fr
· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
· S.E. M. Henri Mova Sakanyi, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 30 Marie de Bourgogne, 1000 Bruxelles, Belgique. Email : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 14 septembre 2015

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

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