RCA : des efforts de justice fragilisés par l’inexécution de mandats d’arrêt

Gael GRILHOT / AFP

Le 5 août 2022. Depuis 2002, la République centrafricaine (RCA) est en proie à des périodes d’instabilité répétées, des crises sécuritaires et des conflits armés. De nombreux crimes de droit international et des violations graves des droits humains sont perpétrés, chaque jour, à l’encontre de la population civile et entre groupes armés. Malgré cela, peu de responsables ont été mené·es devant les juges, nationaux ou internationaux. Les efforts de justice ont été freinés par l’insécurité rampante, le manque de moyens et une volonté politique limitée. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), l’Observatoire centrafricain des droits de l’homme (OCDH) et la Ligue centrafricaine des droits de l’homme (LCDH) déplorent encore l’inexécution de mandats d’arrêt émis par les juridictions compétentes nationales et internationale.

L’impunité a longtemps prévalu en RCA. Pourtant, ces dernières années ont été marquées par d’importantes avancées :
 condamnation par les juridictions ordinaires pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité ;
 création et opérationnalisation de la Cour pénale spéciale (CPS) chargée de connaître tout particulièrement des crimes les plus graves perpétrés sur le territoire ;
 ou encore poursuites engagées par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale contre trois anti-balakas (ici et ici) et un Séléka.

Malgré les obstacles, les occasions manquées, les lenteurs et les insuffisances, ces avancées traduisent un engagement à la fois national et international qui doit être salué. La FIDH, l’OCDH et la LCDH suivent de près la situation centrafricaine et se sont engagés auprès des victimes, en particulier en déployant des missions de documentation ayant donné lieu à des rapports publics. Nos organisations ont favorablement accueilli ces avancées et se félicitent de voir que ces efforts se poursuivent en 2022.

Quelques mois après l’arrestation et le transfert du leader anti-balaka Maxime Mokom à la Cour pénale internationale (CPI) et l’ouverture du tout premier procès de la CPS à l’encontre de membres du groupe rebelle 3R (Retour, réclamation et réhabilitation), les deux institutions demeurent actives. Le 15 juillet 2022, Idriss Ibrahim Issa (alias Ben Laden) a été conduit devant les juges de la CPS et inculpé pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre (sans précision). Deux semaines plus tard, la CPI rendait publique une version expurgée du mandat délivré sous scellé en janvier 2019contre Mahamat Nouradine Adam pour crimes contre l’humanité (emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique, torture, persécution, disparition forcée et autres actes inhumains) et crimes de guerre (torture et traitements cruels). Ces deux membres influents de la Séléka avaient été identifiés par nos organisations lors d’activités de documentation pour leur implication dans de nombreuses exactions perpétrées par le groupe en 2013.

L’inexécution des mandats d’arrêt : un obstacle à la lutte contre l’impunité

Si nos organisations se réjouissent de telles avancées, certaines préoccupations demeurent. Les mandats d’arrêt à l’encontre de Idriss Ibrahim Issa et de Mahamat Nouradine Adam ont, respectivement, été délivrés en septembre 2020 (CPS) et janvier 2019 (CPI). Il aura donc fallu attendre presque deux ans pour que le premier soit arrêté alors que le deuxième demeure en liberté - malgré le mandat d’arrêt international à son encontre et son placement sur la liste des individus sous sanctions par l’ONU.

L’inexécution des mandats d’arrêt émis par les institutions judiciaires nationales et internationale constitue un obstacle majeur à la lutte contre l’impunité des auteur·es de crimes de droit international et violations graves des droits humains perpétrés en République centrafricaine. Elle témoigne d’une coopération tout au mieux lacunaire et sélective, qui favorise l’impunité et encourage les personnes visées à poursuivre leurs activités criminelles. Il est essentiel que les autorités compétentes, particulièrement les autorités centrafricaines, respectent leurs obligations internationales et exécutent les mandats d’arrêt qui leur parviennent, pour que justice soit rendue aux milliers de victimes dans l’attente.

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