Ngaïssona et Yekatom renvoyés en procès devant la CPI : deux acteurs importants de la crise centrafricaine en voie d’être jugés

© ICC-CPI

(Bangui, Paris) Nos organisations saluent la décision des juges de la Chambre de première instance II de la Cour pénale internationale (CPI) du 11 décembre dernier, confirmant une partie des charges présentées par la Procureure Fatou Bensouda à l’encontre de Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yekatom, chefs Anti-Balaka en République centrafricaine (RCA), et les renvoyant en procès. Cette décision constitue une étape importante dans l’accès à la justice des victimes de crimes internationaux perpétrés en RCA en 2013 et 2014 dans le cadre du conflit opposant les groupes armés de la Séléka et des Anti-Balaka. D’autres actes judiciaires devront suivre afin que les différents acteurs ayant perpétré des crimes internationaux en RCA depuis 2012 soient poursuivis et condamnés.

« Les victimes de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les milices armées en 2013 et 2014 ont désormais la perspective d’un procès devant leurs yeux. Nous saluons tout particulièrement la confirmation de charges de viol, car de nombreux crimes sexuels ont été commis dans le cadre du conflit qui fait rage en RCA depuis 2012. »

Me Albert Panda, Vice-Président de l’Observatoire centrafricain pour les droits de l’Homme

Sur la base des preuves présentées par le Bureau de la Procureure, les juges ont considéré dans leur décision de confirmation partielle des charges qu’il existait des motifs substantiels de croire que Yekatom et Ngaïssona, actuellement détenus par la CPI, se seraient rendus responsables des crimes de guerre et crimes contre l’humanité suivants : le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, le meurtre, le viol, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des bâtiments consacrés à la religion, la déportation ou le transfert forcé de population et le déplacement de la population civile, la destruction ou confiscation des biens de l’adversaire, le pillage, la privation grave de liberté physique, les traitements cruels, la torture, les autres actes inhumains et la persécution. Yekatom est également renvoyé en procès pour le crime de guerre de conscription, d’enrôlement et d’utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer activement à des hostilités.

Tel qu’en atteste le résumé informel de la décision de confirmation des charges, la décision écrite reste confidentielle en vue de protéger les victimes et témoins et devrait être disponible dans sa version expurgée sous peu. Le reste des charges présentées a en revanche été rejeté par les juges non convaincus de l’existence d’un lien entre les allégations factuelles de la Procureure et les suspects. À compter de la notification de la décision expurgée en français, la Défense et la Procureure pourront demander aux juges de faire appel de la décision.

« Je soutiens les efforts fournis par la CPI dans le sens de la condamnation des criminels qui ont sévi en République Centrafricaine. Je reste averti qu’une confirmation des charges n’est pas une condamnation et souhaite vivement que la justice pénale internationale recherche, appréhende et juge les autres auteurs encore en liberté, en coopération avec la justice nationale, afin de donner une satisfaction entière aux victimes. »

Me Joseph Bindoumi, Président de la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH)

Avec la mise en place et l’ouverture des enquêtes par la Cour pénale spéciale [1] en RCA et la reprise régulière des sessions criminelles dans les Cours d’appel de la République Centrafricaine depuis 2018 [2], nos organisations encouragent l’engagement politique du gouvernement centrafricain à faire de la lutte contre l’impunité une réalité, et appellent à une coopération entre juridictions nationales, hybride et internationale, en application du principe de complémentarité, afin de mettre fin à l’impunité, cause récurrente des crises que connaît le pays depuis des décennies.

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