La nomination du procureur de la Cour pénale spéciale constitue un pas important dans la lutte contre l’impunité

(Bangui, Paris) La FIDH, la LCDH et l’OCDH se félicitent de la nomination, mercredi 15 février, de Toussaint Muntazini Mukimapa en tant que Procureur près la Cour Pénale Spéciale (CPS). Cette nomination, constitue un pas concret et important en faveur de l’opérationnalisation de cette instance crée en 2015 pour lutter contre l’impunité des auteurs des graves crimes commis en République Centrafricaine.

« L’impunité est l’une des causes de la récurrence des conflits en RCA. La nomination du Procureur de la CPS représente une avancée importante à un moment où le nombre de victimes de violations graves ne cesse de s’accroître et où les exactions commises par les différents groupes armés se multiplient. »

Dimitris Christopoulos, président de la FIDH

La prochaine étape est la finalisation de la première phase de mise en place de la Cour avec notamment la nomination des autres magistrats internationaux (greffier adjoint, juges d’instruction, etc) et magistrats nationaux (président de la CPS, Greffier en chef, juges d’instruction, etc) ; et la mise à disposition des locaux et l’opérationnalisation du Bureau du Procureur, du Greffe et d’un premier cabinet d’instruction. Le Procureur pourra dès lors proposer une politique pénale et les différents organes engager des enquêtes et des instructions judiciaires.

« Pour nos organisations qui se sont engagées avec nos avocats à représenter et accompagner les victimes devant la Cour pénale spéciale et la justice, il est très important que cette cour commence maintenant à travailler. Nous appelons le nouveau Procureur spécial, les autorités et la communauté internationale à prendre urgemment les mesures nécessaires afin de rendre rapidement opérationnel la CPS. Les victimes que nous accompagnons attendent justice et réparation. »

Me Mathias Morouba, président de l’OCDH

La Centrafrique est en proie à une intensification des combats, des attaques et des exactions contre les civils, le personnel humanitaire et les forces de sécurité. Depuis septembre 2016, ces violences ont coûté la vie à plus de 300 civils. Les derniers incidents à Bocaranga, à Bambari, à Ippy ou encore à Bangui ont fait des dizaines de victimes. Aujourd’hui, la ville de Bambari, actuellement contrôlée par Ali Darass, le chef de l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), reste sous la menace d’une attaque imminente du Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) de Nourredine Adam, un des principaux leader ex-Séléka qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la justice centrafricaine et dans la mire de la justice internationale.

Ces violences résultent de l’impunité et des luttes de pouvoir entre les 14 principaux groupes armés qui se battent pour le contrôle des ressources. En outre, les groupes armés ont attisé les tensions intercommunautaires, en particulier dans le centre et le nord-ouest du pays. Selon l’Experte indépendante des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en République Centrafricaine, Marie-Thérèse Keita-Bocoum, au moins 60% du territoire national échappe au contrôle du gouvernement soutenu par les forces internationales de la MINUSCA. La CPS doit permettre d’avancer significativement vers l’établissement des responsabilités pénales des auteurs des crimes commis en Centrafrique, condition indispensable d’une paix durable en République centrafricaine.

« Renforcer la justice est indispensable au moment où l’on constate une recrudescence des violences et du conflit au Nord et au Centre du pays. La présence des forces internationales ne suffit plus, il faut que la justice fournisse aux forces de défense et de sécurité centrafricaines et internationales les bases légales pour arrêter les acteurs de la violence et les retirer du terrain. »

Joseph Bindoumi, président de la LCDH

Le 15 février 2017, le Président de la République Faustin Archange Touadéra a signé un décret nommant Toussaint Muntazini Mukimapa, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), Procureur près la Cour Pénale Spéciale de la République Centrafricaine. Colonel des Forces armées congolaises, ce magistrat militaire était devenu Premier Avocat Général près la Haute Cour militaire avant d’occuper depuis 2003 les fonctions de Directeur de cabinet de l’Auditeur général des Forces Armées de la RDC.

La CPS est une juridiction spéciale au sein de la justice centrafricaine créée par la loi n°15.003 du 3 juin 2015 afin d’enquêter, instruire et juger les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commis sur le territoire de la République Centrafricaine depuis le 1er janvier 2003. Elle sera composée de 25 magistrats, 13 nationaux (dont le Président de la Cour) et 12 internationaux (dont le Procureur Spécial International, un Greffier adjoint, etc), et d’une Unité Spéciale de police judiciaire.

Contexte général

Au bout de près d’une décennie de conflit intermittent, la République Centrafricaine est entrée fin 2012 dans une crise profonde. Fin mars 2013, une coalition de groupes armés du nord, les Séléka, emmenés par Michel Djotodia et Nouredine Adam chassent du pouvoir le président François Bozizé. En réponse aux graves exactions des Séléka contre les civils, des groupes armés d’auto-défense pro-Bozizé, les anti-Balaka, se sont constitué plongeant le pays dans une spirale de violence, de meurtres, de crimes sexuels et de destruction ciblant particulièrement les populations musulmanes assimilées aux Séléka. L’arrivée des forces françaises de l’opération Sangaris coïncide à l’attaque surprise des anti-balaka sur Bangui le 5 décembre 2013 forçant Michel Djotodia à abandonner le pouvoir et les Séléka à se regrouper au nord et à l’est du pays. Face à la poursuite des exactions généralisées le conseil de sécurité des Nations unies créé en avril 2014, la Mission Multidimensionnelle Intégrée de Stabilisation des Nations Unies en Centrafrique (MINUSCA) qui se déploie à partir de septembre. Depuis lors, le gouvernement de transition de Catherine Samba Panza a passé les rênes à Faustin Archange Touadéra qui a été élu au second tour des élections présidentielles en février 2016.
Lire la suite