Nos organisations ont assisté aux 3 semaines de procès qui s’est déroulé du Mercredi 15 janvier 2020 au 7 février 2020. Suite au massacre de Bangassou, elles avaient envoyé une équipe enquêter sur place et à Bangui, récoltant plus d’une centaine de témoignages auprès des victimes, afin de faire la lumière sur cet événement et appuyer l’instruction organisée par la Cour criminelle. En juillet 2018, nos organisations se sont constituées parties civiles, en désignant 6 avocats qui représentent 34 plaignants dans leur demande de justice. Certains témoins et victimes ont pu être présents lors de l’audience pour participer à l’établissement de la vérité autour de ces épisodes tragiques.
« Par la décision rendue aujourd’hui la justice centrafricaine marque son attachement à la lutte contre l’impunité. Il faudra toutefois poursuivre les efforts pour que la situation des autres victimes soit prise en compte dans un avenir proche, car la justice demeure le dernier rempart pour toutes les victimes des crimes de droit commun et de crimes internationaux »
Aujourd’hui, les 5 chefs de guerres ont été reconnus coupables de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, atteinte contre les personnes jouissant d’une protection internationale, association de malfaiteurs, détention illégale d’armes et munitions de guerre et assassinat et ont été condamnés à une peine de prison et de travaux forcés à perpétuité. 17 de leurs élements ont été condamnés à 15 ans de réclusion et 6 autres à 10 ans, tous pour association de malfaiteurs, détention illégale d’armes et munitions de guerre et assassinat.
Kevin Bere Bere, Pino Pino, Romaric Mandago, Patrick Gbiako et Yembeline Mbenguia Alpha, tous chefs de milices anti-balaka, ont été reconnu comme commanditaires des attaques de mai 2017 contre la MINUSCA, du quartier Tokoyo de Bangassou et du siège de la Mosquée dans laquelle toute la communauté musulmane s’était réfugiée pendant 3 jours. Bere Bere s’était rendu à la MINUSCA en janvier 2018 afin d’obtenir une protection contre les menaces de morts émanant de ses anciens partenaires après des rivalités internes, notamment de la part de Pino Pino. Ce dernier, ainsi que Romaric Mandago et les autres personnes poursuivies, avaient fuit en République Démocratique du Congo suite à ces événements, avant d’être arrêtés par les autorités congolaises et extradés vers Bangui pour y répondre de leurs actes.
Les deux premières semaines du procès ont été exclusivement dédiées à la recherche de la vérité et aux auditions. Les accusés et de nombreuses victimes et témoins ont pu être entendus publiquement et confronter leurs versions des faits à de multiples reprises. Certaines preuves vidéos récoltées au cours de la phase d’instruction ont pu être projetées à huis clos et ont été capitales dans l’établissement de la responsabilité de chacun des accusés.
Cette condamnation est prononcée au lendemain du premier anniversaire de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en RCA (APPR-RCA) signé le 6 février 2019, qui renforce la lutte contre l’impunité. Ce procès intervient également deux ans après la condamnation d’un autre chef de milice par la cour criminelle de Bangui : Rodrigue Ngaïbona dit « Andjilo ». La justice centrafricaine y avait déjà démontré sa volonté de juger les auteurs de violences massives en République centrafricaine, bien qu’une partie des crimes seulement avaient été couverts par l’accusation.
« Les tribunaux ordinaires viennent de faire un exemple en jugeant ces crimes internationaux et qui nous rassure sur la lutte contre l’impunité. La CPS qui a débuté ses instructions, donnera plus de poids à ce combat judiciaire, ce qui, nous l’espérons, ne permettra plus aux principaux responsables de crimes graves de se tenir en dehors de la justice. »
« Il est désormais essentiel que les autorités continuent à soutenir les importants efforts lancés en matière de lutte contre l’impunité afin de traduire en justice les nombreux autres responsables des conflits en République centrafricaine, tant anti-Balaka que ex-Seleka, et que la Cour pénale spéciale puisse prendre le relais de la cour criminelle en s’asssurant que tous les auteurs de graves violations soient poursuivis et jugés » a déclaré Drissa Traore, secrétaire général de la FIDH. « Nous espérons enfin que les nombreuses victimes pourront bénéficier de réparations pour leurs dommages subis. »