Un double national centrafricain et français jugé pour atteinte à la sûreté de l’Etat centrafricain dans l’indifférence générale

21/08/2002
Rapport

Le procès symbole de Jean-Jacques Demafouth, ex-Ministre centrafricain de la défense, va ré-ouvrir le jeudi 22 août devant la Cour criminelle de Bangui, République Centrafricaine.

Jean-Jacques Demafouth de nationalités française et centrafricaine est accusé de complicité au coup d’état manqué du 27-28 mai 2001 contre le Président centrafricain Ange Felix Patassé. Certaines accusations portent sur le fait qu’une partie de la Garde présidentielle stationnait auprès de son domicile le jour de la tentative de putsch. Il est également soupçonné d’avoir aidé financièrement certains ex-mutins en leur offrant salaires et stages. Il semble que la popularité de M. Demafouth et son poste stratégique dans un régime instable aient attisé ces soupçons. Il fut arrêté le 25 août 2001 sur ordre de la Commission mixte d’enquête judiciaire, organe politique créé par le Ministre de la Justice pour faire la lumière sur les exactions commisses pendant le Coup d’Etat.

Le cas symbole de M. Demafouth a été à plusieurs reprises soulevé par la FIDH (1) notamment en raison des caractères arbitraires de sa détention : retenu incommunicado dans les quartiers de la résidence présidentielle, on lui a refusé pendant 8 mois toute visite de ses proches, d’un médecin civil et de ses avocats, en violation manifeste des normes nationales et internationales protégeant notamment les droits de l’accusé.

Le procès des présumés putschistes s’est ouvert le jeudi 14 février 2002 devant la Cour criminelle de Bangui. Plus de 600 personnes sont jugées par contumace, dont André Kolingba, l’ancien chef de l’Etat. Et 80 personnes comparaissent devant la Cour dont l’ancien Ministre de la Défense. Dès l’ouverture des procès, Maître Zarambaud, avocat de plusieurs personnes poursuivies, fut arbitrairement dessaisi des dossiers. Pour marquer leur solidarité avec leur confrère, les avocats du Barreau de la République Centrafricaine, se sont retirés de la procédure en cours. La législation centrafricaine prévoyant qu’en matière pénale, les accusés doivent toujours bénéficier des services d’un avocat, la procédure devant la Cour criminelle a été suspendue. Cet incident marquait à l’évidence la volonté des pouvoirs publics de s’immiscer dans la conduite du procès, tant celui-ci revêt une importance politique pour le gouvernement en place.

A l’occasion du séminaire de formation des défenseurs des droits de l’Homme centrafricains organisé par la FIDH et son organisation membre, la Ligue Centrafricaine des Droits de l’Homme (LCDH), du 27 au 31 mai 2002, les chargés de mission de la FIDH sont intervenus auprès du Président de la République, sur le cas de M. Demafouth. Suite à leur entretien, le Procureur général près la Cour d’Appel (ex-Président de la Commission mixte d’enquête judiciaire), M. Bindoumi, a permis aux chargés de mission de se rendre sur le lieu de détention de M. Demafouth et ont pu converser seuls avec lui. Au retour de la mission, la FIDH s’est félicitée que la femme de M. Demafouth ait obtenu l’autorisation de voir son mari une fois par semaine.

La ré-ouverture du procès dans l’indifférence de la communauté internationale, et en particulier de la diplomatie française, ce malgré la position précaire d’un de ses ressortissants, est préoccupante. La FIDH qui suivra de près son déroulement, rappelle une nouvelle fois aux autorités centrafricaines qu’elles ont l’obligation de garantir aux personnes poursuivies le droit à un procès équitable, en conformité avec le Pacte international sur les droits civils et politiques, ratifié par la République centrafricaine. A défaut, le caractère inique de la procédure judiciaire rend arbitraire la détention de M. Demafouth et appelle sa libération inconditionnelle et immédiate.

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